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dix heures et demie du soir. Dimanche, j’étais malade, et je dis heureusement : cela m’a dispensée d’être de la fête de l’Hôtel de Ville ; la voilà passée. Demain, il y a bat chez le ministre de la Marine. J’irai ce soir prendre les ordres de Mme la maréchale. Samedi, tous les généraux donnent à dîner aux princes et aux grands dignitaires de l’Empire ; vaudeville et bal à la suite.

« Je te conseille d’économiser sur ta pension pendant que tu es en Italie, car ici tout ce qui est objet de luxe est d’une cherté affreuse, et vingt-cinq louis par mois à Paris, pour peu qu’on veuille être un peu au courant de la mode, vingt-cinq louis, dis-je, sont bientôt passés. On m’a dit qu’à présent Mme la maréchale dépense par mois, pour sa toilette, trente mille francs[1], et cela ne m’étonne pas. C’est une recherche incroyable, des broderies de tous les genres, de toutes les sortes, etc.

Mme Saint-Cyr est si fort occupée que sa correspondance languit et qu’elle reste parfois une semaine sans écrire. « Tu sauras, écrit-elle le à nivôse (26 décembre), que les grands plaisirs de Paris commencent à se ralentir. Il y eut jeudi dernier le bal du ministre de la Marine, qui fut très beau, très nombreux et très brillant. Les princesses Louis et Caroline ouvrirent le bal par une seule contredanse. Ces dames ont défense de l’Empereur de valser et, à leur grand regret, elles se sont abstenues. Ce soir, il y a bal chez Eugène. Je l’ai vu un moment hier chez Mme Murat, il m’a demandé de tes nouvelles.

« C’est encore Mme Récamier qui a emporté la pomme au bal du ministre de la Marine. Je ne t’ai pas raconté l’événement arrivé à Mme Saint-Martin, notre collègue, au bal du ministre de la Guerre. En valsant, elle est tombée tout de son long à la renverse et son cavalier avait les pieds si bien engagés dans les jambes de sa dame qu’il ne pouvait parvenir à la relever. Tu te doutes qu’une grande partie du monde s’est mise à rire, je n’ai pas été la dernière, mais cela a valu à Mme Saint-Martin une forte réprimande de la part de la princesse Caroline ; elle lui a dit qu’elle était trop coquette, etc.

«… Nous avons déjà un froid bien rigoureux. J’ai fait faire, pour sortir à toutes les heures du jour, une robe de velours noir sans garniture, faite en spencer, à manches en amadis, et, avec

  1. L’Empereur accordait à la princesse Caroline, comme traitement annuel, 240 000 francs : mais, de plus, il lui faisait des gratifications, comme, par l’ordre du 10 nivôse an XIII, une de 200 000 francs.