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cela, je brave toutes les intempéries de la saison. C’est d’autant plus commode que je peux la garder le soir si je n’ai point à faire de visites d’étiquette… »

Encore quinze jours sans lettre et l’on ne peut penser qu’il y en eût d’égarées. Pourtant, le premier jour de l’an 1805 s’y trouve compris. Il faut croire que l’usage de le souhaiter en famille n’était pas encore revenu, mais il était en route : « J’ai été de service toute la semaine dernière, écrit Mme Saint-Cyr le 20 nivôse (10 janvier), et elle a été si employée que je n’ai pas eu un moment à moi pour t’écrire. Il y eut, le jour de l’an, un cercle aux Tuileries qui a été très beau. Toutes les femmes en robe de cour et tous les hommes en uniforme de leur charge ou grade. Il y avait neuf cents personnes invitées et les parties de jeu, rangées dans la grande galerie, faisaient un très beau coup d’œil. La veille, qui était le lundi, je dînai chez Mme Duroc, qui est toujours gentille et qui me demanda de tes nouvelles. Le reste de la semaine, je l’ai passé chez ma princesse. Dimanche, nous l’avons toutes accompagnée au bal qu’ont donné MM. les maréchaux d’Empire à l’impératrice Joséphine. Tu as sans doute lu les détails de cette fête dans les journaux : ils n’ont rien dit de trop, car tout le monde s’est accordé à dire que c’est une des plus belles qui se soient données depuis longtemps. L’Empereur et l’Impératrice se retirèrent à minuit et les princesses Louis et Caroline une demi-heure après, mais je ne pus me retirer qu’à quatre heures, parce qu’il me fut impossible d’avoir ma voiture. Nous étions toutes en robe de cour et les danseuses quittèrent leur queue, Lundi, mardi et mercredi j’ai dormi jusqu’à midi. Ensuite, je me brode, une robe de percale en coton blanc, ce qui m’amuse beaucoup. Mon dessin est une guirlande de groseilles : le fruit est en nœud et les feuilles au passé. Elle sera très jolie, mais c’est un ouvrage de patience. Quand tu feras broder à Milan des robes, il faut que tu expliques à la brodeuse que la broderie doit être bombée et, pour cela, sous le point au passé, il faut faire une première broderie. Il faut une doublure enfin, qui forme une broderie mate. J’imagine que tu me comprends. Tu sauras que l’on porte beaucoup de plumes en parure. Il n’y a qu’avec les fleurs qu’on n’en mette pas.

« Il paraît qu’on s’occupe beaucoup en ce moment du gouvernement d’Italie. On dit que Joseph va être roi de Lombardie,