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crédit de cent millions de livres sterling pour les premières dépenses de guerre. Mais, jusque-là, il n’y aura toujours rien de fait.


UN TÉLÉGRAMME HISTORIQUE

Entre temps, les avant-gardes allemandes envahissaient le grand-duché de Luxembourg et violaient notre frontière sur plusieurs points, commettant de nombreux actes d’hostilité. Cela dans la seule journée du 2 août. Aussi, le soir, du ministère de la Marine, où nous étions il n’y a qu’un moment, partait la dépêche suivante, à l’adresse du chef de nos forces navales dans le Nord :

Appareillez demain matin cinq heures pour prendre positions initiales du plan d’opérations, mais attendez ordres précis pour commencer hostilités.

Mesure de précaution dont l’urgence s’imposait. Une demi-heure plus tard, on apprenait à Paris que les deuxième et troisième escadres allemandes, de 8 cuirassés chacune, avaient traversé le canal de Kiel, et se tenaient en partance à l’embouchure de l’Elbe. Il y avait donc lieu de prévoir leur brusque survenue, et à tenir compte du doute qui continuait à subsister sur les résolutions définitives de l’Angleterre. Le conseil des ministres en délibéra séance tenante et, contrairement à toutes les combinaisons antérieures, arrêta que nos croiseurs et flottilles de la Manche se porteraient à la rencontre de l’ennemi, et lui livreraient combat, malgré son écrasante supériorité, s’il franchissait le Pas de Calais.

Ainsi advient-il souvent des plans où l’on a voulu parer à tout, mais qui n’ont justement pas prévu le seul cas qui se présente. Nous avions préparé une double défensive, avec ou sans les Anglais, et on ne savait pas encore s’ils seraient neutres ou belligérans ! Et comme, sur mer, tout dépendait de leur décision, le plus important pour nous devenait de la provoquer telle que nous la souhaitions, telle que l’exigeait pareillement leur propre salut. Car c’était question de vie ou de mort pour les deux pays. Voilà, j’imagine, le point de vue que M. Poincaré dut soumettre à l’examen de ses ministres. La conclusion fut que notre escadre du Nord irait au-devant des Allemands, prête à exécuter un geste de protestation désespérée qui forçât