Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 42.djvu/323

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

après déduction de ce qu’elle pouvait être obligée de conserver chez elle pour opposer aux 12 cuirassés, 13 croiseurs, 60 destroyers et 30 sous-marins russes de la Baltique. Ajoutons que nos bâtimens du Nord étaient d’ancien modèle, inférieurs sous tous rapports, y compris l’artillerie et la vitesse, à ceux de l’ennemi.

Au moment de la mobilisation, la première division de croiseurs se trouvait à Cherbourg, la deuxième à Brest où elle complétait ses effectifs avec les ressources des navires-écoles, Borda (école navale), Armorique (apprentis marins), Magellan (mousses), etc., lesquels rentraient dans l’arsenal afin d’y être désarmés. Aussitôt reçue la dépêche de mobilisation, la division Le Cannelier allumait les feux et allait rejoindre l’amiral Rouyer. L’appareillage s’effectua au milieu d’un enthousiasme indescriptible. Parmi les bateaux sur rade qui saluaient les partans de leurs hourrahs les plus frénétiques, étaient les deux dreadnoughts France et Jean Bart, retour de Russie avec le Président de la République, et charbonnant bien vite pour rallier notre armée navale de la Méditerranée. Pendant la nuit du 26 au 27 juillet, un singulier hasard leur avait fait croiser sans le voir, dans les eaux danoises, l’empereur Guillaume à bord de son Hohenzollern. Il rentrait hâtivement de Norvège, laissant derrière lui 28 cuirassés et 18 croiseurs, lesquels ne rallieront Kiel que le 29 juillet. Puis, en Manche, ils avaient reconnu de loin 36 cuirassés et 9 éclaireurs anglais se dirigeant vers le Pas de Calais. C’était partie de l’immense flotte que le roi George V venait de passer en revue à Spithead, qui gagnait le grand fjord entre l’Angleterre et l’Ecosse, où elle attendra les événemens.

De ces rencontres nos marins avaient conclu à une prompte jonction avec les Anglais, pour courir tous ensemble à la recherche de cette orgueilleuse flotte allemande dont les prétentions ne visaient rien de moins que la suprématie des mers. Ils ne se doutaient guère de la surprise qui leur était réservée à Cherbourg, d’apprendre que, les Anglais n’entrant pas encore en ligne, il s’agissait pour eux, non plus d’une bataille à livrer entre adversaires de forces à peu près comparables, mais d’aller froidement se faire couler, en tachant de sauver l’honneur du pavillon. Ils ne soupçonnent pas davantage que, bientôt réunis à nos amis devenus nos alliés les plus fidèles, trois ans de