Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 42.djvu/603

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

préparé pour une évacuation rapide. La conjecture se transforme en évidence par ce que nous savons des mesures prises à Bonn. Ici nous sommes renseignés par une note du bourgmestre Kaufmann : il raconte que dans des conférences secrètes qui eurent lieu chaque jour entre le colonel commandant le régiment de hussards et lui, les dispositions nécessaires furent arrêtées pour faire passer les troupes de l’autre côté du Rhin dès que les circonstances l’exigeraient. Le recueillement et le silence que nous avons signalés se vérifient d’ailleurs à Mayence, où le roi de Prusse, encouragé par notre inaction, vint établir d’abord son quartier général : il est très remarquable que, parmi les personnages de sa suite, dont beaucoup ont écrit des mémoires, aucun ne mentionne que Guillaume Ier ait été accueilli par des marques de sympathie. L’on doit en conclure que le souverain et son état-major ont été reçus avec une froideur glaciale, qui contrastait désagréablement avec les ovations dont la vieille Prusse et la ville de Berlin avaient été si prodigues. Pourtant il est des endroits où l’aversion des Rhénans pour leurs maîtres a pris des formes plus actives. Les Prussiens ont avoué qu’en maintes localités les paysans avaient mis des vivres en réserve pour nous les fournir. Le journal des officiers de la sixième division de cavalerie, à la date du 5 août, porte la note suivante qui condense les observations faites pendant leur passage à travers le Palatinat : « Les villages allemands-bavarois de la frontière montrent des sympathies françaises. »

Ce sont à peu près là les seuls témoignages de source germanique que nous ayons pu recueillir. Sans doute ce ne sont pas les seuls qui existent, mais, depuis la fondation de l’empire, on aimait assez peu s’étendre sur ce passé, fixer des dates, des faits et des noms. Emportés par des polémiques de presse, il arrivait assez souvent que les journaux officieux, dans le pays rhénan, reprochaient aux catholiques d’avoir fait dire en 1870 des prières pour le succès des armes françaises. Pour qui sait avec quelle décision les catholiques répondaient aux calomnies protestantes, avec quel acharnement ils menaient leurs campagnes et s’efforçaient de confondre leurs adversaires, le silence qui a toujours suivi ces attaques pour passer pour un aveu. C’est donc que, depuis leur ralliement à l’Empire, le clergé et les fidèles rhénans avaient beaucoup à se faire pardonner. On n’oubliera pas non plus que Bismarck, pendant le Kulturkampf,