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l’œuvre de restauration nationale qu’il peut maintenant accomplir. Afin de ne pas l’effaroucher de prime abord, il a pris la résolution de procéder avec lui par étapes. Il ne lui remettra, au cours de la première entrevue, que les deux notes relatives au contrôle des récoltes en Thessalie et au renforcement de nos postes dans l’isthme de Corinthe : la note exigeant l’abdication du Roi ne lui sera remise que le lendemain. En attendant, il lui expose les desseins et les désirs des Puissances protectrices. « Elles ne cherchent, lui dit-il, qu’à reconstituer l’unité de la Grèce, qu’à accroître sa prospérité et sa grandeur. Si la crise actuelle peut se dénouer pacifiquement, le blocus sera immédiatement levé ; la liberté, les biens de tous les Grecs, sans distinction de parti, seront sauvegardés. » L’entretien reste très cordial. M. Zaïmis ne fait aucune objection au contenu des notes : il semble même un peu étonné qu’on ne lui demande pas davantage. M. Jonnart l’informe qu’il attend cette nuit de nouvelles instructions. Rendez-vous est pris pour le lendemain matin à neuf heures et demie, à bord du Bruix.

Une grave question se pose maintenant : faut-il, en prévision des troubles ou des massacres qui pourraient se produire, évacuer d’Athènes les sujets des Puissances alliées ? L’affaire est discutée en présence du ministre d’Angleterre, de M. de Castillon, à qui M. Guillemin, notre ministre, sur des instructions de Paris, vient de remettre les services de la Légation. L’évacuation présente beaucoup d’inconvéniens. Tout de suite, le débat est tranché par l’attitude énergique de notre chargé d’affaires déclarant qu’il n’évacuera pas ses nationaux.

Dans Athènes ou tout se sait, où tout se colporte aussitôt, l’arrivée soudaine de M. Jonnart n’a pas, comme bien on pense, passé inaperçue, On ne l’attendait pas aussi tôt ; on pensait qu’il resterait beaucoup plus longtemps à Salonique. La présence de ces cuirassés, de ces croiseurs dans la rade de Salamine, l’apparition des transports militaires qui déjà se montrent au Pirée, à Phalère, les allées et venues du président du Conseil, tout cela est gros de signification et fait présager l’imminence des plus graves événemens.

Ce soir du 10 juin, à la nuit tombante, il y eut, à ce que m’ont raconté plusieurs témoins, une assez vive effervescence dans les rues et sur les places d’Athènes. Dans certaines églises, le tocsin sonne appelant les épistrates (réservistes) aux armes. Des