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pas un juge d’instruction au tribunal de.la Seine ayant nom Popinot, oncle du Popinot parfumeur, et qui avait épousé une demoiselle Bianchon, car les Sancerrois-Parisiens s’allient entre eux poussés par la force de la coutume, et ils se répandent dans la bourgeoisie avec la ténacité que donne l’esprit de famille ?

Portons nos regards un peu plus haut. Examinons l’humanité. Ce coup d’œil sur l’union du protestantisme sancerrois démontre un singulier fait, dont voici la formule. Toutes les familles nobles du treizième siècle ont coopéré à la naissance d’un Rohan d’aujourd’hui. En d’autres termes, tout bourgeois est cousin d’un bourgeois, tout noble est cousin d’un noble. Comme le dit la sublime page des généalogies bibliques, en mille ans trois familles peuvent couvrir le globe de leurs enfans. Il suffit, pour le prouver, d’appliquer à la recherche des ancêtres et à leur accumulation, — qui s’accroît dans les temps par une progression géométrique multipliée par elle-même, — le calcul de ce sage qui, demandant au roi de Perse en récompense d’avoir trouvé le jeu d’échecs, un épi de blé pour la première case, en doublant la somme jusqu’à la dernière, fit voir au monarque que son royaume ne pouvait suffire à l’acquitter.

Il s’agit donc ici d’établir, en dehors de la loi générale qui régissait les trois principales races protestantes à Sancerre, l’arbre généalogique d’un seul rameau des Boirouge.

En 1832, il existait à Sancerre un vieillard âgé d’environ quatre-vingt-dix ans, respectueusement nommé le père Boirouge.

Lui seul, à Sancerre, se nommait Boirouge tout court, sans aucune annexe. Né en 1742, il était sans doute l’enfant de quelque artisan, échappé aux effets de la révocation de l’Edit de Nantes à cause de sa pauvreté, car l’histoire nous apprend que les ministres de Louis XIV s’occupèrent alors exclusivement des religionnaires en possession de grands biens territoriaux, et furent indulgens pour les prolétaires. Que votre attention ne se fatigue pas !

En 1760, à l’âge de dix-huit ans, Espérance Boirouge[1], ayant perdu son père et sa mère, abandonna sa sœur, Marie Boirouge, à la grâce de Dieu, laissa son frère, Pierre Boirouge, vigneron au village de Saint-Satur, et vint à Paris, chez un Chandier, marchand de vin, établi carré Saint-Martin, au Fort Samson,

  1. Balzac lui avait d’abord attribué les prénoms de « Jacques, Marie, Joseph. »