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morceaux de l’immense empire qui gît à terre, chercher s’il n’en est pas qui offre quelque solidité; en quelle province, en quels lieux, l’ordre, un ordre quelconque, se serait réfugié, n’importe quel élément ou quel facteur d’ordre persisterait, survivrait, ou pourrait renaître. On a beau regarder, il n’y a pas deux points, il n’y en a qu’un où il n’ait pas été, dès le début du mouvement maximaliste, et ne soit peut-être pas encore entièrement impossible de fonder une résistance. C’est le Sud, et, plus précisément, ce sont les pays cosaques, sur le Don et la mer d’Azoff, groupés, sous l’autorité de Kaledine, autour de leur capitale militaire et administrative, Novolcherkask. Nous savons mal, évidemment, jusqu’où s’étend en fait cette autorité vers l’Ouest, passé le bassin du Donetz, sur les autres fleuves, le Dniepr, le Dniestr, et les rivages de la Mer-Noire. Nous ne disons par conséquent, et ne voulons pas dire plus que : « Il n’est peut-être pas encore entièrement impossible » que Novotcherkask puisse être comme le noyau autour duquel s’agrégeraient les parties saines de la Russie du Sud ; mais cela, on nous rendra cette justice qu’aussi nous l’avons dit dès le premier jour. Y avait-il un peu de roman ou de rêve ? Dans tous les cas, il n’était pas, et bien qu’à présent ce soit tard, il n’est peut-être pas encore entièrement impossible de pénétrer jusque-là, par le chemin le moins long, avec des moyens d’action qui sur place se seraient confirmés et multipliés. L’a-t-on fait, ou tenté seulement ? A-t-on fait ou tenté quoi que ce soit ? On l’insinue, et nous ne demandons qu’à en être persuadés. Si on l’a fait, ou si on l’avait fait à temps, nous aurons ou nous aurions un gros poids de moins sur notre cœur et notre conscience d’alliés, car ce n’est pas seulement à la Russie, mais à la Roumanie que nous pensons.

Sans doute, du Don au Sereth, il y a, à vol d’oiseau, de 800 à 1 000 kilomètres, et les chevaux cosaques ne les franchiraient pas d’une étape. Mais tout est relatif, et dans l’énormité de la Russie, plus encore dans l’énormité de cette guerre, c’est une distance relativement faible. Oui, notre cœur et notre conscience d’alliés ne peut se détourner de la Moldavie. Notre intérêt, comme nos sentimens, nous le défend. Il y avait là, cramponnée au rocher, chaque jour plus battu et de plus près entouré par le flot furieux, une armée, devenue excellente, de plusieurs centaines de mille hommes. De plus en plus, avec l’Europe centrale plus rassurée sur la poitrine, et, dans le dos, une Russie défaillante, elle a été coupée du monde, réduite à vivre sur elle seule, acculée peut-être à une fatalité qui fait frémir. Qu’avons-nous fait pour lui tendre la main; et une autre main que la nôtre, une main plus