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tomber sur nos flancs et de nous cerner dans la boucle de Saint-Georges. Il convenait donc de mettre en état de défense le carrefour de la berge Nord et de cette route : une tranchée fut creusée en avant, une autre au carrefour même et une troisième devant la ferme F…

Ce ne fut qu’après avoir pris ces précautions que la compagnie se remit en mouvement, employant pour avancer « la méthode qui avait donné de si bons résultats » sur la route de Saint-Georges. Quatre tranchées, disent les rapports, furent ainsi creusées sur la berge Nord et une cinquième sur la route de Nieuwendame, par le travers de la ferme Groote-Noord, « lorsqu’on eut acquis la certitude que cette ferme n’était pas occupée par les Allemands. » Mais, sur la berge Nord, l’ennemi avait fortifié la ferme Versteck, placée de l’autre côté du canal, en face de la Maison du Passeur. Murs crénelés, chevaux de frise, réseaux de barbelés, rien n’y manquait, pas même les mitrailleuses. Elles ne purent briser l’élan de nos hommes et, le jour même où la compagnie des chasseurs arriva devant la Maison du Passeur, la compagnie Huon de Kermadec, qui avait remplacé aux tranchées la compagnie Riou, enleva brillamment lafernii Versteck, qualifiée à juste titre par l’Officiel de « position importante. » Et, en effet, si cette position était restée à l’ennemi, non seulement la progression de la 2e compagnie sur la berge Nord eût été arrêtée, mais les chasseurs eux-mêmes, pris d’écharpe, n’auraient pu bouger de leur redan. Couverts du côté du canal, ils s’élancèrent : le 27 décembre au matin, après une lutte acharnée, la Maison du Passeur était à eux et l’ennemi voyait tomber son principal réduit de flanquement sur l’Yser.

Nos marins, qui appuyaient l’attaque avec une section de mitrailleuses, pouvaient revendiquer leur petite part dans ce succès. La maison n’avait pas été emportée du premier coup. Une palissade de sacs à terre nous séparait des Allemands qui y épaulaient leur résistance. Mais, parmi nos mitrailleurs, se trouvait un petit marin, presque un enfant, puisqu’il ne devait avoir dix-sept ans que le 22 mars de l’année suivante, Yvon Nicolas. Solide et râblé, comme le sont ces mousses de la côte bretonne, Yvon avait obtenu son brevet de fusilier le 1er août 1914, à la veille de la guerre. Et sans doute il n’était pas une exception dans la brigade. Il y avait peut-être parmi