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Saint-Georges au petit jour. Le colonel Hennocque lui avait confié le commandement de l’attaque. Dans la nuit même, le commandant se rendit au poste de la Vache-Crevée, où se tenaient les observateurs d’artillerie.

Pour monter cette attaque, la 3e compagnie recevait le renfort de cent dragons à pied (escadron Cheffontaine). Le dispositif portait que le village serait soumis pendant trois quarts d’heure à un feu violent d’artillerie, après lequel l’assaut serait donné.

L’ennemi s’y attendait, mais il comptait bien étaler le choc. Il avait reçu des renforts dans la nuit ; des mouvemens de troupes avaient pu être observés, de la tranchée conquise. On ignorait l’importance de ces renforts, et l’on savait seulement que la lutte serait dure. Comment franchir la coupure de la route qui nous séparait du village ? Cette immense chausse-trape, de forme ovale, garnie de pieux aigus comme des pals, couverte d’un réseau de fils barbelés, était trop rapprochée de nous pour qu’on pût la combler à coups de 75. Tout au plus pouvait-on la contourner. Mais le passage laissé à nos hommes des deux côtés de la chaussée était si étroit qu’ils ne pourraient s’y risquer qu’à la file indienne. Inévitablement ils seraient « descendus » l’un après l’autre avant d’avoir abordé le village.

Jamais problème plus angoissant ne s’était posé à un/chef qui n’affichait pas pour le « matériel humain » le dédain transcendant des guerriers de Germanie. La troisième compagnie avait passé la nuit dans ses tranchées de première ligne, sauf une section en réserve aux tranchées de la levée de terre. Les dragons, vers 11 heures du soir, étaient venus se masser à côté d’elle. Un peu avant le jour, le capitaine Le Page fit avancer la section de marins de la levée de terre, ainsi qu’un peloton de dragons, les deux autres pelotons restant en réserve. Marins et dragons furent « disposés hors de la vue de l’ennemi, » derrière les maisons qui se trouvaient à gauche de la route, en entrant dans le village. À 6 heures, le bombardement commença, et ce fut pendant trois quarts d’heure un vacarme assourdissant. Le capitaine Le Page se tenait avec le lieutenant de Cheffontaine dans la tranchée conquise la veille, à 50 mètres du cimetière. Au signal convenu (salve de fusans éclatant en plein ciel), une demi-section de marins, les uns sur des planches, les autres en contournant le trou-de-loup, se dirigea vers la barricade, d’où