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« Mais, regarde-la donc : des châteaux de la Loire
Et du mas provençal jusqu’au moulin flamand,
Sous l’uniforme bleu, la France en ce moment
Pénètre à plein poitrail dans les blés de la gloire !

« C’est qu’elle porte enfin la Revanche en ses flancs.
Vois plutôt : nos fusils sont fleuris d’églantines,
Et nos Saint-Cyriens, partant, dans leurs cantines,
Ont, pour entrer dans Metz, mis chacun des gants blancs !

« Entends deux millions de gorges qui s’éraillent
A force de chanter la Marseillaise, et vois,
Rythmant à fleur de ciel l’hymne-aux-cent-mille-voix,
Nos drapeaux s’étoiler peu à peu de mitraille !

« Tiens : vois ce front qu’un coup de sabre a galonné,
Ces dolmans qu’a fleuris comme une bouquetière
La croix-de-guerre, et vois, moi-même la Frontière,
Les croix-de-bois des soldats morts me jalonner !

« Les Barbares ont pris nos églises pour cibles…
Le tocsin sonnera dans nos clochers criblés !
Ils brûlent nos moissons ?… Voici nos nouveaux blés :
La mer d’épis des baïonnettes inflexibles,

« Et, frôlant de son vol les tiges d’acier clair,
Alouette nouvelle aux sillons de nos tentes,
Entends l’aile d’azur des Victoires chantantes
Dans le vent de l’obus passer comme un éclair !

« Qu’importe à nos hameaux leurs obus par rafales ?
Devant l’âpre lueur de tout hameau brûlé,
Jusqu’au-delà du Rhin regarde reculer
L’ombre rouge de sang des aigles bicéphales !