Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 43.djvu/240

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

contractans, des rapports organisés pourront s’établir entre les troupes,  » d’un côté à l’autre des lignes. On ne se verra, on ne se recevra que du lever au coucher du soleil, par groupes de vingt-cinq, sans armes, et en des points déterminés. Mais là, à la clarté du jour, on tiendra salon, boutique, et palabre ; on échangera informations et journaux ; on se confiera mutuellement des lettres ouvertes, avec prière de faire parvenir ; on vendra et l’on achètera des marchandises d’un usage journalier ; toutes œuvres loyales qui fuient l’ombre. Il est inutile d’insister : nous savons déjà que les soldats allemands viennent à ces assemblées, pour y fraterniser, avec tant d’argent dans leur poche que les pauvres Russes en sont pétrifiés d’admiration. Par l’article 5, Lénine et Trotsky prétendent « fournir la garantie que les forces navales de l’Entente qui se trouvent au Nord des lignes maritimes de démarcation au moment de la conclusion de l’armistice, ou s’y trouveront ultérieurement, se comporteront comme les forces navales russes. » Et l’on désirerait connaître o la garantie,  » s’il y avait dans cette clause autre chose qu’un artifice pour attirer l’Entente, bon gré mal gré, à la combinaison germano-bolcheviste. Mais c’était une maxime favorite de Bismarck : Ultra passe, nemo obligatur. Ceci, et peut-être cela, dépasse le pouvoir du soi-disant « gouvernement russe, » qui serait seul à se dire un à gouvernement,  » si l’Allemagne, l’Autriche et leurs compères n’avaient eu l’air, en traitant avec lui de lui en accorder la qualité.

Traiter avec lui : pas si sots ! Ils ne l’auraient pas fait, s’ils n’avaient pas de bonnes raisons d’être sûrs que, sous cette façade et par cette feinte, en vérité ils traitaient avec eux-mêmes. Ou Lénine et Trotsky ne sont que leurs agens, leurs hommes de paille, ou, de la part des Empires du Centre, la négociation est incompréhensible. Leurs conditions, les Empires se les font à eux-mêmes comme il leur plaît, et leurs garanties, ils les prennent : ils ne discutent pas, ils dictent. En dehors de cette explication, il n’y aurait que deux explications. Ou Lénine et Trotsky seraient plus forts que nous ne le croyions, ayant assis par l’intrigue et par la terreur leur domination plus largement et plus solidement, plus maîtres du jour et du lendemain, leur puissance ne fût-elle faite que de l’extrême faiblesse de la Russie, de l’anarchie de toutes les Russies, de la volonté du paysan de ne pas lâcher la terre et du soldat de ne pas reprendre le fusil. Ou l’Europe centrale serait plus épuisée qu’il n’est raisonnable et prudent de nous l’imaginer, obligée par sa détresse ou par sa lassitude, alors même que militairement elle a l’impression de la victoire, de désarmer en toute hâte l’un