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Dans un article du savant M. Longnon sur L’élément historique de Huon de Bordeaux[1], une note est consacrée au nom de Guinemer : « Dans Huon de Bordeaux, écrit M. Longnon, l’auteur du prologue des Lorrains fait de Guinemer le fils de saint Bertin, deuxième abbé de Sithieu, abbaye qui prit le nom de ce bienheureux et donna naissance à la ville de Saint-Omer où le poème de Huon de Bordeaux fait naître la fille du comte Guinemer. Il est possible que ce Guinemer ait été emprunté par nos trouvères à quelque ancienne tradition wallonne ; car son nom, en latin Winemarus, paraît surtout avoir été employé dans les pays qui, du IXe au XIIe siècle, firent partie du comté des Flandres. Le cartulaire de Saint-Bertin, lui seul, nous fait connaître : 1o un diacre nommé Winidmarus qui, en 723, rédige un acte de vente à Saint-Omer même (Guérard, p. 50) ; 2o un chevalier du comté de Flandres, Winemarus, qui assassina l’archevêque de Reims, Foulques, lequel était alors abbé de Saint-Bertin (Guérard, p. 135) ; 3o Winemarus, vassal de l’abbaye, nommé dans un acte de 1075 (id. p. 195) ; 4o Winemarus, châtelain de Gand, témoin dans une charte du comte Baudouin VII en 1114 (id. p. 255). On pourrait aussi rapprocher du personnage de Huon de Bordeaux Guimer, châtelain de Saint-Omer, qui paraît au début d’Ogier le Danois, si cette forme Guimer ne semblait pas plutôt dériver de Withmarus[2]… »

Sorti des chansons de geste, Guinemer reparaît dans l’histoire des Croisades. Le comte Baudouin de Flandres et ses chevaliers, guerroyant en Terre Sainte (1097), voient venir sur la mer un navire, à plus de trois milles de la cité de Tarse. Ils se portent sur le rivage et le navire jette les ancres. « D’où êtes-vous ? c’est la première question qu’on pose à la première embarcation. — De Flandre, de Hollande et de Frise. » C’étaient des corsaires repentans qui, après avoir écumé les mers, venaient par pénitence en pèlerinage à Jérusalem. Les guerriers

  1. Romania, 1879, page 4.
  2. De cette note on peut rapprocher cette page du Wauters, table chronologique des Chartes et diplômes imprimés, vol. 2, p. 16, année 1103 : « Baldéric, évêque des Tournaisiens et des Noyonnais, confirme la cession de la dîme et du patronat de Templeuve, qui a été faite à l’abbaye de Saint-Martin de Tournai, par deux chevaliers de cette ville, Arnoul et Guinemer, et par le chanoine Géric.

    « Actum Tornaci, anno domenice incarnationis M. C. III, regnante rege Philippo, episcopante domo Baldrico pontifice.

    « Analectes pour servir à l’histoire ecclésiastique de la Belgique, 2e année, p. 10. »