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chef-lieu du département du Mont-Tonnerre. En disgrâce après 1815, il ne sera plus que le président du Tribunal de Gannat.

Ici la tradition orale vient se substituer aux écrits, chartes et grimoires, grâce à une circonstance exceptionnelle. Un fils de ce Bernard Guynemer qui en eut quatre, Auguste, vécut jusqu’à quatre-vingt-treize ans, en parfait état intellectuel. Sur la fin, il ressemblait à Voltaire, non seulement de visage, mais d’ironie et de scepticisme. Il [misait dans son passé à pleins seaux et en ramenait toutes sortes de débris de la Révolution, de l’Empire et de la Restauration. C’était une extraordinaire chronique. Il avait été réformé à la conscription : c’est pourquoi il mourut si âgé. Deux sur trois de ses frères ne firent pas de vieux os : l’un, Alphonse, officier d’infanterie, fut tué à Vilna en 1812 ; l’autre, Jules, officier de marine, était mort en 1802, des suites de blessures reçues à Trafalgar. Le dernier, enfin, Achille, que nous retrouverons dans un instant, assura la continuité du nom. Or, cet Auguste Guynemer se souvenait fort bien d’avoir tenu tête à Robespierre. Il avait alors huit ans, et sa directrice de pension avait été arrêtée. Il arrive à l’école : plus d’école. Où est sa maîtresse ? Au Tribunal révolutionnaire. Où est le Tribunal révolutionnaire ? On le lui indique par manière de plaisanterie, et le bambin y entre tout droit pour réclamer la captive. L’auditoire le considère avec stupéfaction, les juges l’accablent de quolibets : sans se décontenancer, il expose le but de sa démarche. Robespierre, mis en belle humeur, lui objecte que sa maîtresse ne lui a rien appris. Aussitôt, pour lui prouver le contraire, l’enfant récite ses leçons. Robespierre, enchanté, l’enlève de terre au milieu des rires et l’embrasse. On lui rendit la prisonnière et l’école fut rouverte.

Donc, sur les quatre fils du président de Mayence, un seul, le plus jeune, Achille, devait faire souche. Né en 1792, engagé à quinze ans, il fut interrompu dans sa carrière militaire par la chute de l’Empire. Il mourut à Paris, rue Rossini, en 1866 : Edmond About, qui avait connu son fils à Saverne, lui a consacré en vingt lignes une notice biographique que voici :


« Un enfant de quinze ans part comme engagé volontaire en 1806. Junot le trouve intelligent, le prend pour secrétaire et l’emmène en Espagne. En 1811, le jeune homme gagne son épaulette sous les ordres du colonel Hugo. Il est fait prisonnier