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Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 43.djvu/292

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à la capitulation de Guadalaxara, 1812 ; mais il s’évade avec deux camarades, qu’il sauve au péril de sa vie. L’amour ou la pitié d’une jeune Espagnole aide un peu cet effort héroïque, et pendant quelques jours la légende semble tourner au roman. Mais l’homme de guerre reparait en 1813, au passage de la Bidassoa : il y obtient le grade de lieutenant au 4e hussards, et la croix, dont l’Empereur n’était pas prodigue. La rentrée des Bourbons interrompit brusquement une carrière si bien commencée. Le jeune officier de cavalerie se jette dans l’industrie des assurances maritimes ; il y fait honorablement une grande fortune, qu’il dépense avec une générosité toute militaire, semant les bonnes actions sur sa route. Il a travaillé jusqu’à la mort : sa démission date d’un mois, et c’est hier jeudi que nous l’avons porté en terre, à l’âge de soixante quinze ans.

« Il s’appelait Achille Guynemer. Sa famille est alliée aux Benoist d’Azy, aux Dupré de Saint-Maur, aux Cochin, aux de Songis, aux du Trémoul, aux Vasselin, qui ont laissé des souvenirs exemplaires dans le notariat de Paris. Son fils, qui pleurait hier comme un enfant devant la tombe d’un tel père, est le nouveau sous-préfet de Saverne, ce jeune et laborieux administrateur qui a gagné, dès le début, notre reconnaissance et notre amitié. »


L’évasion d’Espagne est encore un récit que la tradition de famille a recueilli. La jeune Espagnole avait fait passer au prisonnier une corde de soie dans un pâté. Un quatrième compagnon de captivité, trop gros pour franchir le soupirail de la prison, ne put s’évader, et les Anglais le fusillèrent. C’est le 31 août 1813 que le lieutenant Achille Guynemer fut, après le passage de la Bidassoa, décoré de la Légion d’honneur. Il avait vingt et un ans. Son arrière-petit-fils, qui ressemble à ses portraits (spécialement à un dessin de 1807), sinon de tous les traits, du moins dans le lier port de tête, devait gagner la Croix quelques mois plus tôt.

D’autres souvenirs d’épopée pouvaient éveiller la curiosité de Georges Guynemer enfant. On lui montrait le sabre et la tabatière du général comte de Songis, frère de sa grand’mère paternelle. La sabre d’honneur avait été donné au général, alors simple capitaine d’artillerie, par la Convention pour avoir