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des élèves de cinquième verte, écrit un journaliste des Débats qui eut la curiosité de rechercher ses notes de collège, on remarque un petit garçon ébouriffé, plus mince et plus pâle que les autres, dont les yeux ronds et noirs brillent d’un feu sombre : ces yeux qui devaient huit ou dix ans plus tard chercher et pourchasser dans l’espace tant d’avions ennemis, sont passionnément volontaires. Le même tempérament apparaît sur une photographie instantanée de la même époque où l’on voit Georges jouant à la petite guerre. Les registres du collège pour cette année nous apprennent qu’il a l’intelligence claire, vive, juste, mais qu’il est léger, brouillon, désordonné, insouciant ; il ne travaille guère, il est indiscipliné mais sans rancune ; très orgueilleux, il a « l’ambition du premier rang : » indication précieuse pour comprendre le caractère de celui qui est devenu « l’as des as. » De fait, le petit Guynemer avait à la fin de l’année le premier prix de version latine, le premier prix d’arithmétique, et quatre accessits. »

Le rédacteur des Débats, qui est un érudit, rappelle le mot de Michelet : « Le Français est ce méchant enfant que caractérisait la bonne mère de Duguesclin : celui qui bat toujours les autres… » Le meilleur portrait de Guynemer enfant, je le trouve dans les notes inédites de l’abbé Chesnais qui fut préfet de division au collège Stanislas pendant les quatre années qu’y passa Guynemer. L’abbé Chesnais l’avait pressenti, suivait avec une sympathie inquiète cette nature passionnée.

« Son caractère volontaire et batailleur, dit-il de son élève, se découvrait dans ses yeux. Il aimait peu les jeux tranquilles, mais s’adonnait à ceux qui demandaient de l’adresse, de l’agilité et de la violence. Il avait une prédilection marquée pour un jeu fort en honneur dans les basses classes. C’était la petite guerre. La classe était divisée en deux armées dont chacune était commandée par un général que les élèves choisissaient eux-mêmes. Le général avait sous ses ordres des officiers de tous grades. Chaque soldat portait au bras gauche un brassard mobile. Le but de la bataille était de prendre le drapeau que l’on faisait flotter sur un mur, un arbre, une colonne ou tout endroit dominant la cour. Le soldat privé de son brassard était un homme mort.

« Guynemer, un peu faible et chétif, demeura toujours simple soldat. Ses camarades, appréciant les qualités d’un chef