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d’élémens suspects accourus du dehors, comme des fauves sortis de leurs tanières. Une trombe humaine, née en Moldavie, descendit en tourbillon vers le Danube et remonta jusqu’au cœur de la Valachie, avant d’être dispersée ou anéantie par la force armée. Tout fut nivelé sur son passage jusqu’au ras du sol. Après cette dure leçon, le parti libéral qui, en ces heures troubles, avait assumé le rétablissement de l’ordre, s’est attelé à la solution de la question agraire. Par la création d’une caisse rurale il a facilité aux associations paysannes l’achat et la location de grandes terres ; il a vendu ou affermé aux paysans celles de l’Etat, le plus riche propriétaire du pays ; il a mis fin par une loi aux trusts des fermiers étrangers qui accaparaient des milliers d’hectares. Mais ces remèdes sont d’une action lente et limitée. Pendant la guerre, en reconnaissance des sacrifices exigés de la classe paysanne, pépinière de braves soldats, le parlement, réfugié à Jassy, a voté une loi sur l’expropriation des terres de la classe riche et leur rachat par l’Etat. Il est néanmoins à craindre que la révolution russe n’ait, en dépit de ces mesures préventives, une répercussion agraire de l’autre côté du Pruth après l’occupation allemande et sous l’aiguillon de la misère qu’elle laissera derrière elle comme un ferment néfaste.

A la richesse agricole la nature généreuse envers le royaume danubien a ajouté des mines de sel et des forêts à exploiter, et surtout une richesse minérale susceptible d’un grand développement : elle lui a donné le pétrole. La découverte le long des Carpathes de gisemens pétrolifères, qui sont le prolongement de ceux de Galicie, a augmenté énormément la valeur des terrains entre la montagne et la plaine. Les débuts de la nouvelle industrie furent lents et pénibles. Le pétrole ne gisait pas en nappes souterraines, comme aux alentours de Bakou, mais en poches capricieusement situées. Bien des sondages infructueux furent tentés, qui déroutaient l’expérience des ingénieurs. Les capitaux étrangers continuèrent cependant d’affluer, encouragés par le rendement des puits favorisés. Aujourd’hui la production qui a atteint en 1913 1 885 000 tonnes, place la Roumanie au troisième rang, après les Etats-Unis et la Russie, parmi les fournisseurs de l’huile minérale, et sa situation géographique lui assure des débouchés immédiats dans le bassin méditerranéen. Pour l’exploitation de cette mine d’or les Allemands ont devancé, comme d’habitude, leurs concurrens ;