Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 43.djvu/329

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

existence dans le corps diplomatique de Bucarest. Les présidens du Conseil roumain ont contresigné l’engagement pris par leur souverain, chaque fois qu’il arrivait à expiration. Ils ne se sont donc pas montrés plus clairvoyans. Pourquoi orienter vers les Empires du centre, pourquoi pousser dans leur orbite et exposer ainsi à des aventures périlleuses un État, dont l’intérêt évident était de s’en tenir prudemment écarté et de limiter son rayon d’action à son voisinage géographique ! Les Roumains se défendaient, il est vrai, d’être une nation balkanique : un État danubien, à la bonne heure ! Sur la carte de l’Europe la Roumanie n’en couvrait pas moins les approches de la péninsule, où sommeillait toujours le brasier de la question d’Orient. Elle en était le vestibule ou, pour parler un langage militaire, le bastion avancé. Contenue et enfermée dans ses frontières, au Nord et à l’Ouest, par de grandes Puissances, ses affinités, comme son passé, la rattachaient à son hinterland balkanique. Plus riche et plus peuplée que les jeunes États qui grandissaient à ses côtés, elle devait surveiller leur croissance et maintenir entre eux un équilibre nécessaire à sa propre sécurité. En attendant qu’elle devînt l’âme de leur confédération future et qu’une alliance effective, souhaitée par quelques hommes politiques à longue vue, se formât entre ces nationalités encore hostiles pour arrêter la ruée vers l’Orient du germanisme ou du panslavisme, le rôle d’arbitre, voire de gendarme des Balkans, semblait naturellement réservé à la Roumanie, et non celui de satellite des Puissances germaniques.

Nous irions trop loin cependant en affirmant que les hommes d’État roumains, les yeux fixés sur l’Europe centrale, avaient perdu complètement de vue les intérêts qu’ils laissaient derrière eux dans la partie de la péninsule encore soumise à la Turquie. Ils ont cherché à entretenir chez les Koutzo-Valaques, tribus de pâtres et d’artisans, répandues en Macédoine, le souvenir de leur origine latine et l’usage de la langue roumaine. Ils ont obtenu pour eux de la Porte ottomane la faculté de prier en roumain, d’avoir des prêtres et des écoles payés par le gouvernement de Bucarest ; d’où de nombreux conflits avec le patriarche grec de Constantinople et les Macédoniens bulgares. Cette sollicitude pour leurs frères ethniques leur conférait le droit d’intervenir en temps opportun dans les affaires de Macédoine. On s’étonne qu’ils n’en aient point usé, lorsque