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augmenta de 300 pour 100 ; celle de l’Autriche-Hongrie de 75 pour 100 seulement. Lors des commandes de matériel de chemin de fer, l’Allemagne se voyait adjuger les lots les plus importans. Lorsque les usines allemandes étaient en concurrence avec des usines belges, le ministre d’Allemagne cherchait à faire jouer tout le crédit de son gouvernement en faveur de ses compatriotes. Parce qu’il était Allemand, Krupp a toujours été le fournisseur attitré de l’artillerie roumaine. Le Roi n’aurait pas admis qu’il en fût autrement. Et cependant les canons, envoyés à l’essai par Saint-Chamond, convenaient mieux, de l’aveu d’officiers roumains, au sol gras et aux routes primitives de leur pays que les pièces plus lourdes d’Essen. Le temps était loin où Bismarck menaçait la principauté de Roumanie, qui discutait les conditions du rachat de la ligne de chemin de fer construite par l’Allemand Strussberg, de faire intervenir la Sublime-Porte en qualité de puissance suzeraine.

Il est vrai que la France, le banquier obligeant des États en mal de croissance, avait laissé l’Allemagne usurper ce rôle auprès de l’Etat roumain. La Disconto Gesellschaft de Berlin se chargeait d’émettre tous ses emprunts, qu’elle repassait aux banques françaises dans la proportion ordinaire de 25 pour 100. Le risque était nul, car le crédit de la Roumanie n’a jamais cessé d’être très solide, excepté en l’année 1899, où le manque absolu de récolte provoqua une crise, aggravée par des dépenses exagérées auxquelles le Trésor eut à faire face en même temps. Le général Mano, ministre des Finances, ne réussit pas alors à négocier sur la place de Paris une émission de bons du Trésor de 175 millions, indispensable au salut du crédit roumain. Il dut se mettre encore entre les mains des banquiers berlinois. L’année suivante, le gouvernement français, avant d’autoriser l’inscription de cet emprunt à la cote de la Bourse, posa une condition qui parut rigoureuse à l’amour-propre des Roumains. Il exigea qu’un procès, intenté à l’Etat danubien par M. Hallier, entrepreneur des travaux du port de Constantza, fût soumis à un tribunal arbitral spécial, au lieu d’être porté devant les tribunaux ordinaires de Bucarest. Se défiait-il donc de leur patriotisme et de leur impartialité ? Il en résulta une petite agitation au sein de la jeunesse universitaire de la capitale.

La France a toujours senti, si absorbée qu’elle parût par des préoccupations intérieures ou internationales, qu’il y avait