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soutient devant l’humeur exaltée qu’a peinte Calderon et devant les effusions naïves qu’a représentées Shakspeare. Les femmes de Calderon sont des héros, celles de Shakspeare sont des enfans, celles de Racine sont des femmes ! » Sainte-Beuve avait marqué, vingt ans plus tôt, d’analogues repentirs après de moins sévères objections.

Puis, dans la Philosophie de l’art, viendra la réparation à Corneille qui se verratraiter de Michel-Ange français pour avoir exprimé, sur le mode le plus grandiose, la force morale et l’héroïsme du caractère. Il en trouvait autour de lui les modèles, ajoutera Taine, dans les vigoureuses passions, dans le fier sentiment de l’honneur et du devoir qui anime des âmes encore féodales. Et nous ajouterions chrétiennes, en constatant donc avec satisfaction que les salons seuls, que l’habitude « d’aller en visite dans l’après-midi et en soirée le soir » n’ont pas fait la clémence d’Auguste et la vertu de Pauline.


III

Dans sa monumentale Histoire de la Littérature anglaise, Taine rencontre de nouveau le classique, et, par malheur, le contemple en assez fâcheuse posture sous les derniers rois Stuarts. Après Shakspeare et après Milton, voici que les écrivains d’outre-Manche se mettent à l’école de nos grands hommes ; ils prennent pour modèles Boileau, Molière, Racine, mais ne leur empruntent que la forme et laissent là l’esprit de leurs œuvres : ce que Taine n’a pas assez mis en relief, quoiqu’il l’ait certainement aperçu. Dans la littérature anglaise soumise à l’influence classique française, dit-il, on ne trouve plus ni création ni inspiration, mais de l’ordre et de la méthode, plus de sentiment des ensembles, mais la soigneuse observation des parties, la clarté, la commodité, l’agrément, un réseau de routes carrossables pour la pensée. Chez nos voisins britanniques, la conversation devient aussi la première affaire de la vie : on disserte et on dispute : on voit les gentilshommes assis sur des fauteuils dorés, diserts, élégans, curieux, en gants fins, en chapeaux emplumés, le jarret prêt à la révérence et le gosier fait au compliment.

Remarquons-le pourtant, sur le sol anglais ces emprunts n’engendrent qu’une littérature de patente décadence, si on la