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entretenus, c’est-à-dire qui seraient déclassés. Le projet était accompagné d’un tableau de classement conforme à ces catégories ; il était très suggestif.

Dans la première classe, on maintenait les grands camps retranchés de l’Est : Verdun, Toul, Epinal, Belfort, les forts de Frouard, Pont-Saint-Vincent, Manonviller, le Cognelot. Paris et Lyon trouvaient aussi grâce devant le projet. A la deuxième classe passaient tous les forts des Côtes lorraines et des Hauts de Moselle qui constituaient les régions fortifiées de Séré de Rivière, et Maubeuge, Montmédy, Besançon. Tout le reste était condamné au déclassement, c’est-à-dire Lille, La Fère, Laon, Reims, Langres, Dijon, etc. Toute la frontière du Nord succombait sans combat, sauf Maubeuge reléguée au second plan. Et, de Lille comme des forts de l’Escaut et de Longwy, un rapport supplémentaire du 9 mai 1899 disait que ces places n’avaient plus de valeur réelle au point de vue de la défense du territoire. Le rapporteur du projet de loi à la Chambre se faisait l’interprète de la doctrine militaire officielle : « Nous consacrons ainsi le principe de la défense active de nos frontières, et nous comptons avant tout sur la valeur de nos armées. »

Le projet parut si excessif et si malencontreux, même aux partisans des économies à outrance, que le Parlement n’osa le discuter. D’ailleurs une ardente campagne s’ouvrit aussitôt, de la part d’officiers soucieux du péril que faisait courir un tel projet à la défense du pays, et de la part des villes elles-mêmes découronnées de leur enceinte guerrière. Le projet fut retiré par le général de Gallifet, quand il prit le ministère de la guerre. Malheureusement, il resta dans les bureaux, et la commission des places fortes s’en inspira dans la répartition des crédits ; elle était d’ailleurs suggestionnée par l’état-major qui s’engageait de plus en plus dans la voie de l’offensive stratégique et tactique et de la guerre de mouvement.

« La frontière du Nord fut condamnée en 1900 et depuis lors inlassablement détruite. Hirson fut déclassé et c’était la trouée de l’Oise libre ; déclassés de même les forts de Condé, du Quesnoy, de Curgies, de Maulde, de Flines, qui, tenant sous leurs canons toutes les voies d’accès et les écluses de la Rhonelle, de l’Escaut et de la Scarpe, non seulement interdisaient à l’ennemi l’accès de notre frontière entre Sambre et Scarpe, mais encore protégeaient de flanc l’armée établie dans ce secteur