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Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 43.djvu/391

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complet état de défense, toute notre concentration obligée de reculer dans le désordre de la surprise !

On s’est demandé comment l’Allemagne n’a pas engagé la guerre, sinon en 1905, du moins entre 1909 et 1912, puisque l’état-major de Berlin avait quelques raisons de croire à l’affaiblissement de notre armée. Il faut penser, ou qu’il n’était pas si certain de la victoire, ou que l’évolution belliqueuse du Kaiser n’était pas encore accomplie. D’ailleurs, avant 1911, les doctrines d’offensive, en apparences identiques dans les deux armées, se fondaient toujours sur la guerre de mouvement et de manœuvre. Les guerres du Transvaal et de Mandchourie avaient bien montré la valeur défensive des positions organisées et les effets meurtriers du feu, en particulier du tir de l’artillerie. Mais toutes les forces incomparables de destruction qui sont entrées en ligne quelques années plus tard et qui donnent à cette guerre un caractère si imprévu, sans précédent dans l’histoire, étaient encore dans les laboratoires et sur les champs d’expérience.

C’est en 1908 que Wilbur Wright exécutait les premiers vols d’avion au camp d’Auvours. L’aviation ne prenait réellement son essor que vers 1911, et son importance militaire n’était nettement affirmée qu’à la veille de la guerre.

L’Allemagne n’a mis à l’usine Krupp son programme d’artillerie lourde qu’en 1911, et encore la question de son emploi en campagne était-elle controversée outre-Rhin comme chez nous. La traction automobile des poids lourds était en pleine expérience, c’est elle pourtant qui devait donner la solution du problème de l’artillerie lourde et des ravitaillemens. La télégraphie sans fil venait d’apparaître. Et les sous-marins semblaient encore relégués à la défense rapprochée des côtes.

Or, en 1913, l’armée allemande révélait soudain sa puissance grandissante en effectifs et en matériel, prête à appuyer une politique très menaçante, qui cherchait à profiter des faiblesses apparentes de ses adversaires pour réaliser l’hégémonie politique et économique de l’Allemagne.

Faut-il rappeler l’histoire des dix années qui se sont écoulées depuis 1905, pendant lesquelles le plan de l’Allemagne se dévoila progressivement ? Ce qu’il y a de plus extraordinaire, ce n’est pas qu’il ait abouti à l’effroyable cataclysme que nous traversons, mais c’est que les puissances attaquées, et le monde