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Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 43.djvu/470

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elle possède l’esprit de finesse, l’esprit de géométrie ne lui manque jamais non plus. Enfin — pardonnez le jeu de mots, — la note sensible elle-même n’en est point absente. Elle retentit, cette note-là, dans le chœur des courtisans, voyant passer Buckingham condamné. Rien de plus « sensible » toujours, ou de plus touchant, avec plus de justesse, de retenue et de dignité, que le plaidoyer de la reine Catherine devant le synode. Rien, si ce n’est, au dernier acte, les vœux de fête, tristes et tendres, offerts par don Gomez au Roi, de la part de Catherine répudiée et captive. Rien, si ce n’est encore, un peu plus loin, la cantilène qui passe et repasse lentement sur les lèvres de la prisonnière, de la mourante, au gré d’un rythme flottant comme ses souvenirs et triste comme eux.

Il semble bien enfin qu’à la beauté du quatuor fameux, et digne de sa renommée, par où s’achève l’ouvrage, la sensibilité, la passion, l’âme n’ait pas moins de part que la composition, l’ordonnance, en un mot, que l’esprit. Ame diverse, animant quatre personnages de mouvemens différens, voire contraires, qu’il appartient à la musique seule de réunir et d’opposer en un seul concert. « Chacun en a sa part et tous l’ont tout entier. » La première part est ici la part du Roi. A lui l’idée, ou la mélodie mère et maîtresse, la cellule vivante, autour de laquelle s’agrège et se développe l’organisme sonore. Mais aucune des trois autres voix ne demeure inactive, encore moins indifférente, et par telle « entrée, » ou « rentrée » de la reine Catherine surtout, il arrive que l’action dramatique et musicale soit tout à coup reprise et comme relancée. Musical et dramatique aussi, l’accompagnement du chœur lointain sert de fond harmonieux au tableau. Le quatuor d’Henry VIII, c’est quelque chose comme le quatuor de Rigoletto de l’opéra français.


Dans le peu d’espace qui nous reste à la fin de cette chronique, nous ne voulons qu’inscrire un grand nom. Le 19 juin de l’année qui commence, il y aura cent ans que naquit à Paris Charles Gounod. L’Amérique, assure-t-on, se prépare à célébrer ce centenaire. Nous demandons qu’en France il ne soit point oublié. Que faire pour le fêter dignement ? L’Opéra pourrait donner une représentation modèle, ou, si c’est trop exiger, tout simplement une bonne représentation, — (ce mot seul veut beaucoup dire), — de Faust, une autre de Roméo et Juliette. A l’Opéra-Comique, on aimerait d’entendre Sapho, dont Mme Croiza ne serait point une médiocre interprète. Le Médecin malgré lui ne s’y écouterait pas non plus sans plaisir. Nos deux sociétés de concerts, le Conservatoire et le couple Chevillard-Pierné,