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qui n’est encore que rêvée, n’aura pas de base territoriale, elle ne sera qu’un palais de nuages; et elle n’aura de base territoriale sûre que dans une Europe purgée des iniquités où le sang crie. L’Alsace et la Lorraine, « arrachées aux flancs de la France et incorporées à l’Empire allemand, sans égard pour les vœux de leur population, ont, de leur blessure et de la nôtre, « infecté » le continent depuis un demi-siècle. Afin qu’il ne se forme point, ou qu’il cesse d’y avoir, pour le malheur des générations futures, en dix autres endroits, dans la France et l’Italie envahies, en Belgique, en Serbie, en Roumanie, au Monténégro, dans l’Italie irredenta, en Arabie, en Arménie, en Mésopotamie, en Syrie et en Palestine, dix autres foyers d’infection, M. Lloyd George engage «jusqu’à la mort » la Grande-Bretagne et tous ses dominions et toutes ses colonies. D’un bout à l’autre du monde, malgré l’abîme qui s’est creusé en Orient, l’Entente, corps et âme, tient et se tient. La défaillance russe n’a déterminé, même au plus près d’elle, aucune autre défection.

Ce n’est pas à dire que l’Allemagne ait renoncé à ses mines et à ses sapes; elle continue de faire sa guerre souterraine comme sa guerre sous-marine. « On aperçoit mal, avions-nous noté, l’origine et le dessein de la révolution de Portugal. » Peut-être l’aperçoit-on un peu mieux aujourd’hui. Pourquoi M. Sidonio Paes a-t-il si opinément, si facilement renversé et remplacé M. Bernardino Machado? Et pourquoi, ayant déporté, emprisonné ou proscrit ses ministres, le parti triomphant cherche-t-il si âprement à déconsidérer, à déshonorer le parti vaincu ? Il se peut qu’il n’y ait, sous cette agitation, que quelque menée monarchiste, et que ce mouvement même soit plutôt un effet qu’une cause. Mais il se peut également qu’il y ait ou que s’y introduise la main de l’éternel et universel fauteur d’intrigues et semeur de discordes. Sans commettre l’injustice gratuite de prétendre fonder un soupçon légitime sur le fait que M. Sidonio Paes a été antérieurement ministre du Portugal à Berlin, nous ferons sagement de nous méfier, non pas de lui ni de son gouvernement, mais des agens de l’Allemagne, capables de tout exploiter. Ce qui ne saurait nous empêcher de croire à la sincérité des affirmations que le Portugal n’a cessé de nous réitérer et à la fidélité d’un dévouement dont ses soldats, en combattant auprès des nôtres, nous ont donné la meilleure preuve.

Les fugitifs qui, provisoirement, préfèrent l’air de Madrid à celui de Lisbonne, n’y rencontreront pas la tranquillité. Pour n’être pas en révolution ouverte, l’Espagne n’en est pas moins dans une crise