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même point pendant cinq minutes, toujours encadrés, naturellement. Au retour, tir moins précis. À l’atterrissage, mon observateur m’a félicité de ne pas avoir bougé ni fait des zigzags qui auraient gêné son observation : nous n’avons en effet effectué que des changemens d’altitude, de vitesse et de direction très légers et très lents. Dans sa bouche, les complimens ont de la valeur, car il n’y a pas mieux comme cran. Le soir, le capitaine Gérard, commandant l’aviation de l’armée, m’a appelé et m’a dit : « Vous êtes un rude type, vous ; vous ne déparez pas la collection, au contraire. Comme débuts !… » et il m’a demandé depuis combien de temps j’étais caporal. Y a bon. Mon coucou est superbe avec ses pièces datées en rouge. On les voit toutes, car celles de dessous débordent sur les côtés. En l’air je montrais les trous d’aile au fur et à mesure au passager et il était enchanté aussi, d’est un sport palpitant. L’ennuyeux, c’est quand ils éclatent dessus, car je ne les vois pas, mais je les entends. C’est l’observateur qui me renseigne alors. Pour l’instant, le roi n’est pas mon cousin…

Le lieutenant, aujourd’hui capitaine Colcomb, a complété ce récit ! Pendant toute la durée de l’observation, en effet, le pilote n’exécuta pas une manœuvre, n’imprima aucune secousse pour éviter le tir. Il enlevait seulement son appareil un peu plus haut, et redescendait ensuite tranquillement au-dessus du point à photographier, comme s’il était maître de l’air. Puis ce dialogue s’échangea :

L’observateur : J’ai fini : nous pouvons rentrer.

Le pilote : Mon lieutenant, faites-moi le plaisir de photographier pour moi les éclats qui tombent autour de nous.

Les enfans ont toujours eu la passion des images. Et les images furent prises.

Les chasseurs et les bombardiers, dans l’histoire de l’aviation, ont retenu l’attention publique un peu au détriment de leurs camarades, les observateurs. Plus tard, on connaîtra mieux les admirables services rendus par ces derniers. Par eux, le champ de bataille s’éclaire, les ruses, les préparatifs de l’ennemi se déjouent : ils sont les yeux du commandement. Ils sont aussi les amis de la troupe. Le 29 avril 1916, le lieutenant Robbe survole à 200 mètres les tranchées du Mort-Homme et rapporte un exposé détaillé de l’enchevêtrement des lignes. Un an plus tard, presqu’au même lieu, le lieutenant Pierre