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Guilland, observateur à bord d’un biplan de la division marocaine, est descendu par trois avions ennemis au moment où sa division dont il suivait la progression pour la signaler, part à l’assaut du bois des Corbeaux (20 août 1917) à l’Est du Mort-Homme. Il tombe sur les premières vagues : mortellement atteint, évanoui, il est recueilli par un officier d’artillerie qui a achevé sa mission. Quand il rouvre les yeux, — pour peu de temps, — il demande : — « Où suis-je ? — Au Nord de Chattancourt, à l’Ouest de Cumières. — L’attaque a-t-elle bien marché ? — Tous les objectifs sont atteints. — Ah ! tant mieux, tant mieux… » Il se fait répéter la nouvelle. Il va mourir, mais sa division est victorieuse. Près de Frise, le lieutenant Sains, dont l’avion a dû atterrir le 1er juillet 1916, est délivré par l’armée française le 4 juillet, après s’être caché trois jours dans un trou d’obus pour ne pas se rendre, son pilote, le maréchal des logis de Kyspotter, ayant été tué. Dans la bataille de l’Aisne (avril 1917), le lieutenant Godillot, ayant eu pareillement son pilote tué, se glisse le long du plan, s’assied sur les genoux du pilote mort et ramène l’appareil dans nos lignes. Et le capitaine Mery, et le lieutenant Vignier, et le lieutenant de Saint-Séverin, et Fressagues, et Floret, et de Niort, et le commandant Challe, et le lieutenant Boudereau, et le capitaine Rœckel, et l’adjudant Fonck, qui devait s’illustrer comme chasseur : que d’observateurs d’élite contribuèrent ainsi aux destructions de l’artillerie, à la progression des fantassins !

J’ai vu, le 24 octobre 1916, comme la brume se dissipait, l’avion de la division Guyot de Salins survoler le fort de Douaumont au moment où les marsouins du commandant Nicolay y entraient[1]. Il était descendu si bas dans le brouillard qu’il semblait attiré par la terre, et l’observateur, se penchant, battit des mains pour applaudir au triomphe de ses frères d’armes. Ceux-ci virent son geste s’ils ne l’entendirent pas, et ils l’acclamèrent : un échange de confiance et d’affection guerrière se fit spontanément entre le ciel et le sol. Un an plus tard, presque jour pour jour, le 23 octobre 1917, j’ai vu l’avion de la même division planer au-dessus du fort de la Malmaison comme le bataillon Giraud du 4e régiment de zouaves s’en emparait. Au petit jour, il venait relever l’emplacement du poste de

  1. Voyez les Captifs délivrés.