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Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 43.djvu/558

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de la Vesle. Notre champion portait le beau nom de Franc et montait un Voisin. À cette même date, il n’était pas rare de ramasser sur nos lignes des messages lancés par les pilotes ennemis disant en substance : — Inutile de nous battre ensemble ; il y a assez de risques sans cela…

Cependant, comme la reconnaissance stratégique perdit bientôt de son intérêt avec la stabilisation du front, on accorda de plus en plus d’importance à la recherche des objectifs. La photographie aérienne, dès le mois de. décembre 1914, donna des résultats remarquables. Dès le mois de janvier suivant (1915), le réglage d’artillerie par télégraphie sans fil fut de pratique courante. Il importait de protéger les avions de corps d’armée, de nettoyer les airs afin d’y circuler librement. Ce rôle fut dévolu aux appareils les plus rapides qui étaient alors les Morane-Saunier-Parasol ; au printemps de 1915, ils constituèrent les premières escadrilles de chasse, une par armée. Les aviateurs, tels les chevaliers d’autrefois, s’envoyaient alors des cartels : ainsi le sergent David, qui devait être tué un peu plus tard, ayant été contraint par un enrayage de sa mitrailleuse de refuser le combat à un avion ennemi, le provoqua par un message qu’il alla jeter lui-même sur l’aérodrome allemand, et attendit, au lieu, au jour et à l’heure fixés, — à Vauquois, midi (juin 1915), au-dessus des lignes ennemies, — son adversaire qui ne vint point au rendez-vous.

Les Maurice Farman et les Caudron servaient à l’observation. Les Voisin, solides, mais plus lents, furent plus spécialement utilisés pour les bombardemens qui commençaient de s’organiser en véritables expéditions. Les fameux raids sur les usines de Ludwigshafen et sur la gare de Karlsruhe datent de juin 1915. C’est à la bataille d’Artois (mai et juin 1915) que l’aviation fit pour la première fois figure d’arme, principalement par l’action des escadrilles de corps d’armée qui rendirent de considérables services : reconnaissances, photographies, tirs de destruction. Mais l’aviation de chasse rencontrait encore bien des défiances et des incrédulités. Les uns la déclaraient inutile : ne suffisait-il pas que les avions de corps d’armée ou de bombardement pussent se défendre ? Les autres, moins intransigeans, la voulaient restreindre à ce rôle de protection. Il fallut le développement presque subit de l’aviation de chasse alle-