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autocrate et les basses convoitises d’une nation, déguisées sous les noms d’apostolat intellectuel et de Kultur.

Nous n’en sommes pas là malheureusement. Auparavant nous aurons à surmonter une crise redoutable, en vue de quoi il est bon de fortifier nos cœurs. Les mauvais jours de la guerre semblent revenus ; nous allons peut-être revivre les heures d’anxiété que nous avons connues, quand l’état-major allemand se flattait d’en finir rapidement avec le front occidental pour se jeter ensuite sur l’autre front. C’est le contraire qui s’est produit. La Russie républicaine a failli aux engagemens de la Russie impériale. Elle s’est mise elle-même hors de combat, hors de la guerre, presque hors de l’Europe. L’assaut des Austro-Allemands sera livré cette fois par toutes leurs meilleures troupes. Il faut qu’il soit brisé, comme à l’Yser, comme à Verdun. Si la tempête sévit avec plus de rage, elle nous trouvera aussi mieux préparés, et l’effort colossal que vont faire nos ennemis pour s’emparer de la victoire, ils seront incapables, une fois repoussés, de le renouveler.

Aucun de nous et aucun de nos enfans, pour qui nous souffrons aujourd’hui autant que pour nous-mêmes, ne comprendraient la moindre faiblesse en un pareil moment. Les Américains, occupés à équiper leurs, flottes et leurs soldats avec une rapidité merveilleuse, décidés à partager avec nous toutes leurs ressources, les Américains, qu’aucun intérêt personnel n’a conduits à nos côtés, ne nous pardonneraient pas de manquer au dernier tournant de la guerre de cette persévérance qui a toujours été une des plus fortes vertus de leur race.

Ne nous laissons pas impressionner par l’abandon de la Russie. De réel qu’il était, il est devenu officiel. Le suicide du peuple russe, préférant acheter la paix à n’importe quel prix pour se détruire plus librement de ses propres mains, ne changerait pas les destinées de l’humanité. Sans lui elle marchera d’un pas plus sûr vers la liberté et le progrès, dont l’Allemagne essaye en vain de barrer la route. Plus vite que lui, s’il réussit à sortir vivant de ses déchiremens intérieurs, l’Europe connaîtra la paix, que l’incroyable suffisance des révolutionnaires de Pétrograd prétendait lui donner, sans qu’ils eussent aucun droit ni aucun titre au rôle de pacificateurs.

Mais enfin, me direz-vous, comment hâter la venue de la