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Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 43.djvu/57

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paix, puisqu’elle est le cri général de l’humanité épuisée ? Ce n’est point par les négociations où nous convie maintenant la jactance de nos ennemis, à moins qu’on ne soit prêt à subir leurs conditions, mais par une continuation plus âpre de la guerre qu’ils voudraient éviter, par un jeu plus serré sur un échiquier plus restreint, par un emploi plus méthodique de nos ressources qui sont immenses. Coordination des efforts, unité de l’action politique et militaire, adoption d’un plan d’ensemble rigoureusement suivi, blocus efficace des nations ennemies, restrictions sévères acceptées par les civils, toutes ces conditions du succès final, la presse patriote ne cesse pas de les énumérer pour qu’elles pénètrent nos esprits. Aux gouvernemens alliés il appartient de les mettre enfin en pratique, de faire d’un thème cent fois ressassé une vivante réalité. Ils se rendent compte mieux que nous de la gravité de l’heure et de l’imminence du péril. Faisons donc confiance à. leur clairvoyance, à leur union et à leur fermeté. Ceux de nous qui sont condamnés malgré eux à l’inaction ont aussi des devoirs à remplir, c’est de purifier l’atmosphère des miasmes de pessimisme qui s’y répandent, de soutenir tous les courages, de calmer les impatiences et les nervosités.


VI

La paix même ne serait qu’un vain mot, si elle n’était pas accompagnée d’une nouvelle organisation des Puissances et consolidée par un remaniement du système européen. Une autre Europe doit naître, enfantée dans les douleurs de la guerre mondiale. Les moyens artificiels et les remèdes juridiques qu’on s’efforce d’inventer, sous le titre encore vague de Société des nations, ne seront mis à l’essai qu’au lendemain de la paix. Ils auront pour but de contribuer à sa conservation. Qu’on commence, en attendant, par créer les bases matérielles de la paix. Ce sera la tâche pratique des hommes d’Etat qui en auront l’honneur et la responsabilité.

Les vieux mots d’équilibre européen se présentent d’eux-mêmes à l’esprit pour désigner l’état de stabilité générale, sans lequel les nations ne pourraient recommencer à vivre paisiblement. L’équilibre européen est, — nul n’en ignore, — une répartition de puissance et de force telle qu’aucune nation, —