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Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 43.djvu/59

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s’est révélé indispensable à la conservation de la paix, à la marché de la civilisation et au progrès de l’humanité.

Comment s’établira-t-il ? La paix ne supprimera pas, parce qu’elle aura été signée, une situation qui existait avant la guerre du fait de l’alliance austro-allemande, et la conséquence politique qu’elle a eue : un groupement de Puissances ayant conscience de leur isolement et qui s’étaient rapprochées dans un instinct de commune défense contre cette alliance. La guerre, d’autre part, a achevé de mettre en parfaite évidence la solidarité des États démocratiques en face du danger que font courir aux autres peuples les deux Empires germaniques, dernier et insolent refuge du pouvoir autocratique. Deux groupes distincts et opposés, auxquels va manquer sans doute la Russie en proie aux convulsions sociales, survivront fatalement pendant une période incertaine à la dure leçon qu’a été la guerre pour les adversaires trop confians de l’impérialisme austro-allemand. L’Allemagne, — araignée prompte à refaire sa toile, — a déjà commencé à reconstituer son groupement, qu’elle veut plus formidable que l’ancien ; c’est la Mitteleuropa, conception à la fois économique et politique, ce qui la distingue de la Triplice. Les Alliés seront bien obligés de suivre son exemple. Ainsi se dessinent les deux contrepoids essentiels de l’équilibre de l’après-guerre.

Cet équilibre comporterait, à côté des grandes Puissances, la pléiade des petites nations. Elles constituent un des facteurs les plus utiles de son maintien, comme les poids inférieurs qu’on ajoute à l’un des plateaux d’une balance pour l’empêcher de pencher du côté le plus pesant. La tâche des plénipotentiaires de la paix, lorsqu’ils auront ranimé les nations foulées aux pieds par l’Allemagne et par l’Autriche, sera d’abord d’entourer leur convalescence des soins nécessaires à leur guérison et de l’abriter ensuite contre le retour d’une crise qui a failli être mortelle. Ils ne pourront pas se borner à cette œuvre de salut. L’indépendance des autres nations secondaires, spectatrices atterrées ou inconscientes des infortunes de leurs sœurs, demande aussi à être protégée. A toutes il conviendra d’assurer les mêmes garanties contre un retour des violences allemandes, jusqu’à ce que l’ivresse guerrière des Germains se soit dissipée et que ses fumées aient cessé d’obscurcir leur raison. Il y aurait donc un état tout au moins, transitoire,