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douloureux. Je suis parti d’Aiguebelle, laissant des amitiés parmi ces êtres héroïques qui prient pour le momlp, et emportant mes souvenirs comme on emporte un cadavre qu’on va ensevelir. Je vous remercie des bons conseils que vous me donnez ; je les suivrai : envers et contre tous, j’y suis décidé, je dirai la vérité… Je leur ai tellement pardonné à tous que je n’ai nulle peine à être bienveillant. »

Quelques jours après, il comparait devant le tribunal :

« 25 juillet. — Valence. — J’ai enfin déposé. Mon succès a été complet. Pendant plusieurs heures, j’ai expliqué ma conduite et détruit pièce à pièce les calomnies dont j’ai été l’objet. J’ai terminé au milieu de l’émotion et de l’approbation générales. Voce mea ad Dominum clamavi et intendit mihi. »

Les dernières séances du procès ne furent plus qu’une justification constante de ses actes. Il y avait assisté parce qu’il voulait pouvoir répondre sur-le-champ, si quelque attaque imprévue se produisait. Mais les adversaires n’osaient plus souffler mot ; les amis seuls, réchauffés par cette réhabilitation si complète, saluaient de leurs applaudissemens chacun des incidens qui la rendaient plus éclatante. Ceux de Marseille l’appelaient avec insistance : leur joie avait besoin de s’épancher dans son cœur. Lui hésitait. Il s’était promis de ne plus retourner dans cette ville où il s’était enivré de tant de rêves et avait été brisé par tant de désillusions. Mais une circonstance inattendue, un de ces hasards qui ne sont souvent que la manifestation de la Providence, ébranla son stoïcisme.

Son oncle de Livourne, que ses affaires avaient amené à ce moment dans le Midi, avait assisté aux débats du procès de Valence. L’excellent homme, heureux du triomphe de son neveu préféré, l’engagea à venir passer ses vacances en Toscane. Comment résister à une pareille tentation ? Revivre quelques semaines dans cette Italie dont la beauté à peine entrevue était apparue si merveilleuse à ses yeux d’enfant, c’était une de ces béatitudes qu’il n’eut jamais le courage de refuser. Il accepta donc et s’achemina vers la route d’Italie, c’est-à-dire vers Marseille.

Il y fut accueilli avec transports, non par la foule déjà oublieuse, mais par les amis fidèles, intelligens et chaleureux, qui n’avaient cessé de le défendre et qui faisaient de sa victoire leur propre victoire. Lorsqu’il franchit le seuil du docteur