Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 43.djvu/618

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Catholique, cela veut dire universel : il y a dans l’esprit français une puissance de rayonnement, qui n’a d’égale que la volonté de rayonnement de l’Église. Cette puissance est moins une ambition qu’elle n’est une générosité : la limpidité même de notre langue dévoile et satisfait ce qu’il y a de généreux dans notre esprit. En un mouvement de donateurs, nous avons besoin d’offrir et de porter l’idée, de la rendre accessible et de la faire accéder ; et plus nous la sentons nôtre, originalement nôtre, plus nous visons à la partager.

Notre vieille mystique française voisine avec Dieu, comme celle des autres races ; elle sait les douceurs du contemplatif tête-à-tête, elle s’en délecte ; mais dès le début du XVe siècle, cent ans avant que Calvin n’eût assoupli la langue française à traiter la matière théologique, notre chancelier Jean Gerson écrit en français, pour les simples gens sans lettres, pour les femmes, sa Montagne de contemplation. « La plus haute sapience que nous puissions avoir, la contemplation qui tend à aimer Dieu et à savourer sa bonté, » ne lui paraît pas le monopole d’une aristocratie d’âmes ; il veut, en français, la mettre à la portée des plus simples, en faire une chose commune. Ce Gerson, d’après Benoît XIV, qui ne lui tint pas rigueur de ses déviations gallicanes, fut « en son temps la plus brillante lumière de l’Église : » ce fut une lumière qui brilla même sur les petits enfans, et pour eux, en empruntant leur langue, à eux.

Ce que Gerson fait pour la contemplation, saint François de Sales le fait pour la sainteté. Nous sommes au surlendemain de ce moyen âge qui, sous la plume même d’un docteur comme saint Bernard, avait l’air, quelquefois, d’identifier la voie proprement monastique avec la voie du salut : l’évêque de Genève survient, avec cette perspicacité d’analyse où les malices mêmes sont des charités, pour montrer que la sainteté peut devenir une chose commune, qu’en tous les états on y peut atteindre et qu’en tous les états, dès lors, on y doit prétendre.

Lorsqu’un critique qualifia Bossuet de « sublime orateur des idées communes, » il pensa dire une méchanceté ; il se trompait. Est-il idée plus commune, — j’en atteste l’Évangile de saint Jean, — que celle qui « éclaire tout homme venant en ce monde, le Verbe ? » Bossuet voulait en être l’interprète, et il en fut, cela est exact, l’interprète sublime. En face des façons personnelles et subjectives de « sentir » Dieu, où se complurent