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de Saint-Pierre. Faire vivre en France même l’Église ; pourvoir largement aux dépenses que nécessite à travers le monde l’action missionnaire ; faire vivre, enfin, la Papauté, comme nous y convia, dix années avant que l’Autriche ne s’en montrât préoccupée, l’âme filiale de Montalembert : voilà trois besognes qui n’épuisent pas encore la générosité catholique française. Mais c’est assez parler de la puissance de l’or : quelque indispensable qu’elle soit, elle apparaît peu de chose, lorsqu’on vient de voir à l’œuvre, à travers nos missions, la puissance du sang et la puissance de l’Esprit.


X

Des millions d’anciens païens, des centaines de milliers d’anciens schismatiques, sont auprès de la catholicité les témoins de l’effort français. Nous pourrions interpeller, en Europe même, certaines portions du troupeau catholique qui connurent d’âpres périodes de détresse, et leur demander leur témoignage au sujet de la France. Il fut un temps où dans les vieux sanctuaires d’Irlande la lampe de l’autel n’eut plus le droit de briller : alors l’Irlande fidèle transplanta dans notre France, de génération en génération, les lampes toujours ardentes qu’étaient les âmes de ses jeunes clercs ; dans les collèges que nous leur ouvrions, ils trouvaient sécurité, et puis élan ; et furtivement ils s’en retournaient dans leur grande île, défiant la mort, afin que le catholicisme d’Irlande ne mourût pas. Le catholicisme anglais aussi, à certaines heures mauvaises, connut notre hospitalité ; et lorsqu’à leur tour nos prêtres émigrés, jetés sur les côtes de Douvres par trois vagues successives, y furent accueillis avec chaleur et pitié, le catholicisme anglais bénéficia, tout le premier, du prestige de leurs vertus et du respect qui s’attachait à leurs malheurs. Dans un abbé Carron, dans un La Marche, évêque de Quimper, on sentait trop les hommes du Christ, pour continuer de croire que Rome fût l’Antéchrist. L’édifice de lois pénales autrefois concertées par la Réforme anglaise contre la superstition romaine était déjà branlant ; l’effritement s’accéléra. L’année 1791 vit enfin se lever, en Angleterre, une aube de tolérance, et Joseph de Maistre put écrire : « Il fallait probablement que les prêtres français fussent montrés aux nations étrangères ; ils ont vécu