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de manuscrits, d’épreuves, d’articles de journaux, de réclames, de rubriques et autres choses de métier. Ces professionnels font étalage de tout ce qui concerne leur profession, et, Dieu me pardonne, ils semblent en tirer vanité !

Après la gloire, la rançon de la gloire. L’appellation de « triomphatrice » va devenir amèrement ironique. Il y a, en effet, entre le premier et le second acte de la pièce, toute la distance qui sépare le Capitole et la roche Tarpéienne. Claude a une fille, Denise. Bonne mère, elle voudrait la marier avec Flahaut, jeune littérateur pour qui elle a de l’estime, encore qu’il soit allé s’échouer dans la critique, genre qui, de coutume, n’a pas une bonne presse auprès des romanciers, ni des écrivains de théâtre, ni des poètes, ni des prosateurs, ni des artistes dramatiques et lyriques et de quelques autres. Mais Flahaut, ne venant dans la maison que pour la mère, ne se soucie nullement d’épouser la fille. Et c’est ainsi tout le temps. Chez Claude Bersier, on ne vient, on ne revient, on ne languit et on ne se tue que pour Claude Bersier. C’est très désobligeant pour les autres. Cela fait à Denise une situation intolérable. Denise aimait le jeune Fréville, et le jeune Fréville s’est tué pour les beaux yeux de Claude. Condamnée à ne vivre que dans l’ombre de sa mère, Denise est éminemment : celle qui ne pourra pas « vivre sa vie. » Cela la blesse et l’irrite. Ah ! pourquoi sa mère a-t-elle tant de talent ? Elle lui en adresse d’âpres reproches. Et ce sont entre la mère et la fille des scènes pénibles. La comédie de mœu.s tourne au drame larmoyant. Désormais nous irons de plus sombre en plus sombre. Comme un malheur n’arrive jamais seul, voici qu’un orage menace les amours de la romancière. Nous l’avions bien prévu et le mal vient d’où nous l’attendions. Sans être particulièrement au courant des affaires de librairie, on devine tout de suite que cette publication des deux romans, faite le même jour, était une grave imprudence. Habent sua fata libelli. Le roman de Claude Bersier est aile aux nues ; le roman de Sorrèze est tombé à plat : ce n’est pas un four, c’est le four. Le contraste est de ceux qu’un auteur en vogue n’accepte pas aisément. Sorrèze ne pardonnera pas la cruelle blessure faite à son amour propre. Claude Bersier n’en est que la cause involontaire et indirecte : elle en est quand même la cause, ou l’occasion. Tant pis pour elle ! Le succès de son roman a détruit le roman de sa vie… Il se passait quelque chose comme cela dans la Flipote de Jules Le maître, mais cela se passait plus gaiement.

Le troisième acte est celui de l’effondrement. La jeune Denise