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Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 43.djvu/755

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Il y a un moment où l’on perd ses parens de tous côtés, où il faut se mettre à la tête de ses affaires et dire comme mon cher Sainte-Beuve : « Adieu loisir ! » Cependant, je vais bientôt revenir m’enfermer à Paris, j’espère. Je reçois seulement à présent votre lettre du 10 décembre. Grâce à un mot que vous aviez mis sur l’enveloppe, un colonel anglais qui passe par Londres pour aller à Calcutta me l’a apportée, et ses nièces ne lui ont donné que celle-là des lettres de Paris que jamais on ne m’envoie comme vous pensez. Ce serait trop de chemin pour des billets d’invitation à dîner, etc. etc. Je suis heureux que vous ayez eu cette bonne pensée qui fait qu’enfin je sais ce que vous m’écrivez. Je vous remercie de vos offres de service[1]et de vos nouveaux témoignages d’une amitié dont je ne veux jamais douter. Oui, nous aurons beaucoup à dire pour le Théâtre-Français. Il a assez mal entendu ses intérêts véritables jusqu’ici. J’espère que votre main s’y fera sentir un peu fortement… La place que vous occupez est très élastique, et peut être tout ou rien, selon votre vouloir. Il faut de nouvelles œuvres, et certainement il en viendra ; croyez-vous qu’il soit possible de m’envoyer ici des épreuves comme vous me le proposez ? Indiquez-moi votre manière et, si mon séjour à Londres se prolonge, j’aurai quelque chose à vous faire passer… Quel est donc, s’il vous plait, ce nom que j’ai aperçu à la place du vôtre, au bas de la Revue ? Je ne sais plus rien. Je n’ai pas ouvert un journal depuis quatre mois. Je voudrais savoir si le Théâtre-Français moule quelque nouvel ouvrage. Voici mon adresse ; faites-en vite usage, je vous en prie, pour me dire de vos nouvelles. Serrez la main de ma part à ceux de mes amis qui m’aiment et croyez-moi tout à vous.

« ALFRED DE VIGNY.

« P.-S. — Parmi soixante lettres que j’ai trouvées à Paris, il y en avait une de cette bonne petite Mme St… qui se plaignait timidement de votre oubli. Une honnête et malheureuse personne qui a du talent, que voulez-vous de mieux ? Ne m’en-verrez-vous pas des livres ?

« Ecrivez bien cette adresse si vous voulez qu’elle arrive,

  1. F. Buloz venait d’être nommé commissaire royal à la Comédie-Française, et avait demandé à A. de Vigny des œuvres dramatiques pour la scène de la rue de Richelieu.