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camarades décident d’aller les chercher. « Pour téméraire qu’elle fût, dit un officier[1], l’entreprise aurait pu réussir, si les Allemands n’avaient pas occupé, en avant de la Maison du Passeur, une tranchée qui coupait le chemin de halage et, par un angle droit, se prolongeait le long de la berge en élémens discontinus. De face et de flanc, les trois hommes étaient sous le feu ennemi ; ils durent se replier, mais la tranchée et la maison, signalées à la batterie du capitaine Boueil, furent soumises aussitôt à un bombardement d’une précision et d’une efficacité remarquables : lâchant leurs terriers démolis, les Boches se mirent à fuir comme des lapins, poursuivis par les feux de notre infanterie. » Les trois chasseurs profitèrent de cette minute de désarroi pour renouveler leur tentative et furent assez heureux cette fois pour ramener dans leurs lignes les deux blessés et le corps du caporal.

Le jour déclinait. Il pleuvait légèrement. Dans ces ciels bouchés, la nuit empiète sur son heure habituelle et il valait mieux utiliser ce qui restait de clarté pour achever d’organiser nos positions : les tranchées de la levée de terre, le groupe des maisons crénelées et la tranchée en avant de ces maisons furent laissés aux marins ; les chasseurs demeurèrent dans les tranchées à l’Ouest et à l’Est de la levée de terre, mais sans tenir complètement ces dernières, dont les élémens voisins de la Maison du Passeur s’étaient regarnis d’Allemands.

La compagnie Riou qui opérait en soutien de la compagnie des chasseurs et de la compagnie Le Page par la berge Nord de l’Yser, était arrivée dans la matinée à peu près à la même hauteur que ces compagnies[2]et un petit poste avait été installé par elle dans les ruines de la maison F… entre la ferme Versleck et la route du vieux fort de Nieuwendame. La 4e compagnie de marins, sous les ordres du lieutenant de vaisseau Martinie, avait également atteint les premiers objectifs qui lui étaient assignés. Cette compagnie, on s’en souvient, était venue cantonner dans la nuit à Ramscapelle, dans les lignes belges ; elle y avait trouvé les vingt doris expédiées de Dunkerque le 14 à onze heures du soir, sur des camions automobiles, et qui devaient la transporter de l’autre côté de

  1. Carnet du lieutenant de vaisseau L…
  2. « Près d’un tas de briques jusqu’où s’était avancé un de ces pelotons, » précise le journal du docteur L. G.