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comptait dans les provinces eussent pu savoir qu’elle éclaterait ce jour-là. Consternés en apprenant le triste résultat de l’équipée de Saint-Pétersbourg, ils renoncèrent à la recommencer, si ce n’est dans la province de Kiew où, quelques jours plus tard, deux officiers du régiment de Czenigow, le lieutenant-colonel Mourawieff-Apostol et son frère, officier dans le même corps, compromis déjà par les dénonciations des conspirateurs détenus dans la capitale, tentèrent un nouveau soulèvement, en apprenant qu’ordre était donné de procéder à leur arrestation…

Leur régiment étant cantonné à Wassilkow, c’est là que se rendit l’officier de police chargé d’exécuter cet ordre. Le 15 janvier 1826, il se présenta chez le lieutenant-colonel, accompagné d’un feldjager. En les voyant entrer, Mourawieff prévenu d’avance se précipita sur eux le sabre à la main, puis aidé de son frère et de quelques personnes qui étaient avec lui, il les fit jeter en prison. Il assembla ensuite le régiment, et usant du moyen qu’avaient employé à Pétersbourg les conspirateurs, il déclara aux soldats que l’empereur Constantin était prisonnier et attendait d’eux sa délivrance. Il parvint à entraîner cinq compagnies, s’empara de la caisse du régiment, livra au pillage la petite ville de Wassilkow, qui devint en quelques instans le théâtre de tous les excès auxquels peuvent se livrer des soldats ivres et en révolte. Les trois compagnies restées fidèles étaient sorties de la ville. Les Mourawieff l’évacuèrent eux-mêmes avec la bande des révoltés. Dans la nuit du 15 au 16, ils se dirigèrent vers la terre habitée par la comtesse Dranitska, dans l’espoir d’y trouver de l’argent. Ils n’en étaient plus qu’à sept verstes, lorsque, le 18, dans la matinée, ils furent atteints par les troupes envoyées à leur poursuite. Le village dans lequel ils essayèrent de se défendre fui promptement entouré ; après quelques coups de canon à mitraille, les soldats jetèrent leurs fusils et vinrent demander grâce. Le lieutenant-colonel fut blessé, pris et envoyé à Pétersbourg. Son frère s’était brûlé la cervelle.

Ce fut le dernier épisode militaire de la conspiration du 26 décembre. Au soir de cette journée où Nicolas Ier avait failli perdre la couronne, elle était solidement fixée sur son front ; il rentrait dans son palais avec la conviction qu’il était maître de l’Empire. « A six heures, écrit La Ferronnays, on a chanté un Te Deum pendant lequel Sa Majesté est restée constamment à