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guider. Mais, jusqu’à son confluent avec le vieil Yser, le canal suit une direction rigide. Et le petit jour, d’ailleurs, n’allait pas tarder. Sur la berge Nord, où opérait la compagnie Riou, l’enseigne Guéguen, qui devait être blessé au cours de l’action[1], avait déployé sa section aussitôt les canonnières signalées. Le capitaine de Tarie en avait fait autant avec ses chasseurs, sur la berge Sud. Mais leur progression ne pouvait être aussi rapide que celle des deux vedettes, qui, à six heures et demie, se trouvaient déjà devant les tranchées allemandes.

« Jusque-là, dit un des acteurs de l’affaire, tout s’était bien passé. 75 et 120 s’en donnaient à cœur joie sur les défenses ennemies du canal. Les Boches encaissaient et se rencognaient au fond de leurs tranchées. Leur artillerie elle-même, surprise ou occupée ailleurs, ne nous tapait pas encore dessus. C’est le propre tir de nos 75 qui nous força de stopper. » Des ordres avaient pourtant été donnés la veille par le colonel Hennocque pour que l’Yser fût « dégagé d’artillerie. » Le tir finit par s’écarter et les deux vedettes purent continuer leur route, « canonnant au passage les maisons de la rive et prenant d’enfilade, à bout portant, quelques élémens de tranchées. Nous avons dû tuer là une trentaine de Boches. La riposte ennemie était extrêmement faible. On voyait sortir au bout de deux bras des fusils qui tiraient vaguement dans notre direction. Mais à 400 mètres environ à l’intérieur des lignes allemandes, à 600 mètres du coude de l’Yser, nous sommes arrêtés par une passerelle jetée en travers du canal. Démoli la passerelle à coups de 37 à 200 mètres. Par exemple, impossible de pousser plus loin : sous la passerelle, dans la vase, un barrage de pieux interdit toute navigation… »

L’enseigne Le Voyer manœuvra donc pour mettre le cap sur Nieuport, tout en accostant ses vedettes à la rive Ouest et en continuant à tirer au canon seulement, « aucune tête allemande ne se montrant plus hors des tranchées. » Ses objectifs étaient les maisons de Saint-Georges, à 800 mètres, et les deux ou trois fermes plus rapprochées qui bordaient le canal vers le coude de l’Union. On visait de préférence les toits, « où l’on savait que

  1. Le même jour fut tué le premier maître fusilier Déniel, faisant fonctions d’officier des équipages. « Il est mort, écrivait à sa famille le commandant de Jonquières, dans un magnifique élan qui l’avait entraîné dans une mission qu’il avait à remplir aux abords du village de Saint-Georges. »