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doctrine dite de Monroe et qui, depuis le message présidentiel de 1823, s’était par principe tenue systématiquement éloignée des affaires de l’ancien monde, en était venue maintenant, au spectacle de la présente guerre, aux conclusions qui s’en dégageaient pour sa raison et sa conscience, à comprendre et à sentir que cette même doctrine d’indépendance et de liberté qui était la sienne exigeait au contraire son entrée dans la bataille, sa participation absolue et totale à la croisade des Alliés. « Je propose donc, disait le président Wilson dans son message du 22 janvier 1911, que les diverses nations adoptent d’accord la doctrine du président Monroe comme la doctrine du monde, qu’aucune nation ne cherche à imposer sa politique a un autre pays, mais que chaque peuple soit libre de fixer sa politique personnelle, de choisir lui-même sa voie propre vers son développement, et cela sans que rien le gêne, le moleste ou l’effraye, et que l’on voie le petit marcher côte à côte avec le grand et le puissant. » Et il ajoutait dans son adresse inaugurale du 4 mars suivant : « Nous nous rendons compte que les choses les plus grandes qui restent à faire doivent être accomplies d’accord avec le monde entier, sur une scène plus vaste, en coopération avec toutes les forces de l’humanité. Nous ne sommes plus des provinciaux. Les événemens tragiques des trente mois de guerre que nous venons de vivre nous ont constitués citoyens du monde. N’en concluons pas que nous soyons pour cela moins Américains. Nous serons, s’il est possible, plus Américains encore, mais nous resterons fidèles aux principes dans lesquels nous avons été nourris. Ces principes ne sont pas d’une province ou d’un continent. Ils sont ceux que nous avons toujours proclamés, comme étant les sentimens du monde entier. »

Le président Wilson tirait ainsi de la doctrine de non-intervention et d’isolement qu’avait été jusqu’alors la doctrine Monroe la formule qui devait, au contraire, unir le monde dans la plus vaste alliance, que l’histoire eût encore connue. Le gouvernement français a fait afficher sur nos murailles ces admirables textes. Il en a fait faire la lecture dans toutes nos écoles. Ils sont par avance l’annonce et comme l’évangile de cette « Société des Nations » qui, émergeant des ténèbres, de la brume sanglante de cette guerre, sera, nous en avons le ferme espoir et la foi, la réalité de demain.

A. Gérard.