Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 43.djvu/939

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
REVUE SCIENTIFIQUE

QUESTIONS ALIMENTAIRES

La question du pain que j’examinais naguère ici même n’est qu’un des nombreux problèmes, — et non des moindres d’ailleurs, — que nous pose la nécessité d’alimenter la nation dans ces dures semaines de guerre. Je m’étais permis à ce moment quelques critiques sur le premier projet de carte de pain que nous avait préparé M. le ministre Viollette. Je n’ose me flatter qu’elles aient eu quelque influence sur les décisions prises depuis, mais un fait reste, dont il faut se féliciter, c’est qu’on a renoncé à cette carte familiale qui était plus incompréhensible qu’un rébus, et on a pris le sage parti de la remplacer par une carte individuelle qui laisse au porteur la liberté de ses déplacemens et du choix de son boulanger. On s’est arrêté actuellement pour la région parisienne, et en attendant que le système soit étendu au pays entier, à une ration uniforme. Je crois qu’on a bien fait ; le système qui avait été envisagé d’abord et qui devait subdiviser tous les consommateurs en diverses catégories d’âges et de professions ayant droit à des rations quotidiennes différentes, était peut-être plus juste dans son principe. Mais de la coupe des théories aux lèvres de l’expérience il y a un monde ; ce système eût soulevé des difficultés d’application inextricables. Finalement peut-être même eût-il été une source de grande injustice : les travailleurs manuels qu’il avantageait beaucoup ont actuellement dans tout le pays, — et nous ne sommes pas les derniers à nous en féliciter, — des salaires élevés qui leur permettent d’ajouter à leur pain quotidien beaucoup d’autres alimens plus coûteux ; ils ne s’en font pas faute, d’ailleurs, comme peuvent le constater dans les marchés et dans tous les endroits où l’on vend quelque chose, ceux que Trotsky appelle les « bourgeois, »