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REVUE SCIENTIFIQUE

LE CANON QUI BOMBARDE PARIS

Il faut remonter à l’époque du dernier passage de la comète de Halley, il y a huit ans... huit siècles, pour trouver un phénomène relevant de la science et comparable, par l’intérêt et les discussions qu’il a soulevés, au bombardement prodigieux de Paris par une pièce à longue portée. Encore dans ce temps-là, dont nous apprécions seulement aujourd’hui la douceur pacifique et un peu terne, la sensibilité publique était vierge des émotions fortement motivées qui l’ont peu à peu aguerrie et trempée.

Malgré cela, il est certain qu’une vaste stupéfaction, une curiosité qui ne laissait presque plus de place à aucun autre sentiment, s’emparèrent des Parisiens lorsque le communiqué officiel, — cette forme ultra-moderne de la vérité révélée, — annonça que c’était bien un canon allemand dont les projectiles, l’autre samedi, avaient éclaté sur la .capitale. Cela parut à tout le monde « éno-orme, » comme eût dit Flaubert. L’étonnement fut général. Il le fut dans le public ; il le fut davantage peut-être parmi beaucoup de spécialistes de l’artillerie. Et la chose la plus étonnante, dans tout cela, fut peut-être précisément cet étonnement de beaucoup d’artilleurs. Nous allons montrer, en effet, qu’il n’y a rien là dedans de mystérieux, rien qui ne s’explique assez simplement sans avoir recours à aucune hypothèse absurde, à l’aide seulement de données non seulement réelles, mais véritablement fort anciennes.

Du point de vue psychologique, du point de vue de cette offensive morale qui fait partie de l’arsenal stratégique ennemi, il est donc certain d’abord que le sentiment dominant provoqué par ce phénomène