Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 45.djvu/119

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pitti, elle se laisse persuader de recourir pour les peintures, faute d’un cavalier d’Arpin, au Flamand que lui recommande le ministre de l’Archiduchesse, et qui a été pendant dix ans le peintre officiel de la cour de Mantoue. La Reine, d’ailleurs, ne dédaigne pas la manière flamande ; elle la trouve bonne pour les portraits, et a elle-même pour portraitiste Pourbus. Mais c’est une autre affaire que le style héroïque, et il faut que les temps soient difficiles pour que la Reine se résigne à confier à un Anversois la Galerie de Médicis.

Je ne dirai qu’un mot de cette œuvre célèbre, qui n’est sans doute pas la plus touchante de Rubens, mais qui demeure, en somme, la seule subsistant au complet de toutes ses grandes œuvres décoratives. Quels que soient son importance, ses mérites de premier ordre, ses beautés éclatantes, — surtout visibles depuis que le Louvre a pris la peine de lui donner une exposition digne d’elle, — on ne peut s’étendre ici sur une œuvre sans postérité. Il est en effet remarquable que, pendant tout le XVIIe siècle, cet ensemble incomparable ait existé en plein Paris comme s’il n’avait pas été. Ce n’est que tout à la fin du siècle que nos artistes le découvrent et qu’on voit un Coypel, dans un dessin du Louvre, copier les Tritons et les grasses Sirènes du Débarquement de la Reine ; alors seulement le Luxembourg devient un lieu de pèlerinage. Et moins encore faut-il parler de la Vie de Henri IV, qui fut un des projets de Rubens, et dont il existe çà et là quelques esquisses splendides, aux Offices ou à Berlin, — juste de quoi donner le regret que l’artiste ait abandonné une matière où il y avait, disait-il, « dix galeries de Médicis ; » et l’Histoire de Constantin, dont il exécuta les cartons pour Louis XIII, n’est pareillement qu’un incident de la carrière de Rubens, qui intéresse ses biographes plus que l’histoire de l’art.

Il est peut-être surprenant que le grand artiste, de son vivant, n’ait eu à Paris qu’un épisode si court et de si peu d’influence ; le vrai chapitre de Rubens est en France, nous le verrons, un chapitre posthume. Des malentendus personnels l’éloignèrent sans retour ; mais il y avait amené à sa suite des élèves qui y firent un plus long séjour.

Le Paris de Louis XIII commence de nouveau à offrir aux peintres un champ privilégié. Le royaume, sorti des convulsions de l’autre siècle, semble un chantier de reconstruction.