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les Allemands ne bougeaient plus et recommençaient à s’enterrer.

Il en allait tout autrement sur le front britannique, qui, du 10 au 16 avril, recevait les plus rudes, les plus effroyables secousses. La Lys étant franchie en deux ou trois endroits, à Saint-Maur, à Estaires, l’ennemi avançait vers l’Ouest sur toute la ligne entre Givenchy au Sud et Wytschaete au Nord. L’arc convexe se tendait, le H, sous ce premier effort. Le 12, l’intérêt était attiré surtout autour de Ploegsteert, au Nord, de Marville au centre, de Festubert au Sud de ce secteur. Et, d’autre pari, le 13 et le 14, on se battait près de Lacouture, de Vieux-Berquin, de Bailleul. Le 15 et le 16 avril, l’arc était tout à fait tendu, de Hollebeke, et même de Passchendaele, à Givenchy-lès-la-Bassée, touchant, par le sommet de sa courbe, à la forêt de Nieppe et au village de Robecq ; mais la forêt de Nieppe, c’est la couverture d’Hazebrouck, et Robecq, c’est, par la Clarence, comme Locon par le canal de la Lawe, le débouché sur Béthune et Bruay. Par Bailleul, au pied des « Monts des Flandres, » c’est le chemin de la mer. Les mines, la mer; toute l’obscurité qui s’entassait sur des noms ignorés se déchire : les buts apparaissent. Seulement l’arc a été tendu à l’excès : on ne pourrait plus l’étirer sans le rompre : à tout le moins, avant de s’en servir, il faut le renforcer. Mais, sur les flancs menacés, nous nous sommes, les Anglais et nous, renforcés aussi : d’où l’arrêt.

Si maintenant on essaie d’embrasser dans son ensemble cette entreprise gigantesque, la « bataille de France, » la « bataille d’Occident » (c’est ainsi que l’orgueil allemand se plaît à l’appeler), on découvre tout de suite qu’elle a sans cesse remonté vers le Nord. Elle paraît, à un coup d’œil superficiel, fragmentaire et assez décousue. Mais les Allemands sont gens trop méthodiques pour qu’elle le soit, eu plutôt elle ne l’était pas dans leur esprit ; elle ne l’est devenue que par ses hasards, par ses vicissitudes, par la résistance des choses s’opposant aux calculs des hommes, par ce qui est proprement la bataille même, par le choc de deux volontés et de deux forces contraires. Personne, à notre connaissance, n’en a exposé le dessein aussi clairement ni avec plus de vraisemblance que le correspondant du Corriere della Sera, M. Luigi Barzini. « Le péril couru par les armées alliées, dit-il, se révèle plus grand qu’on n’aurait pu le soupçonner; en revanche, le succès franco-anglais prend les proportions et la valeur d’une magnifique et glorieuse victoire, aussi importante que celle de la Marne, et dont l’avenir nous montrera les conséquences. Comme la bataille de la Marne, celle de Picardie a paré la