Gheluvelt. Vos troupes venaient d’emporter plusieurs lignes allemandes : on se battait encore sur quelques points de ces premiers chemins creux de la Grande Guerre. Un sous-officier alsacien, enrôlé malgré lui dans l’armée ennemie, saute au fond d’une tranchée, et aperçoit, couché tout de son long, un colonel anglais blessé. Il s’approche, voulant le secourir. Il reconnaît, — à quel signe, je ne saurais le dire, — le colonel du régiment de la Reine. Et, se penchant, il lui demande, d’abord en allemand, puis en français : « Souffrez-vous beaucoup ? Quelle blessure avez-vous ? » Sans bouger, les yeux à demi clos, le colonel répondit seulement ces mots :
— L’attaque a été cruelle, mais magnifique !
Cette amitié dont je viens rapidement d’étudier l’origine et le développement, il faut qu’elle dure, il le faut pour les plus solides et les plus belles raisons.
Dans l’avenir, et quand cette guerre, révélatrice de plus de dangers encore qu’elle n’a connu d’horreurs, sera terminée, nos deux nations devront demeurer unies parce qu’elles se complètent, qu’elles représentent deux forces nécessaires pour le progrès humain, et qu’elles constituent ainsi une puissance capable des plus grandes choses, une sorte de perfection : vous, habitans de l’Empire britannique, plus utilitaires que nous, excellens metteurs en œuvre, doués d’un caractère pondéré, tenaces dans vos entreprises, prenant conseil de la tradition et de la sagesse passée ; nous autres de France, imaginatifs, inventeurs, capables des plus grands sacrifices pour la beauté d’une idée, capables d’une discipline beaucoup plus qu’on ne l’a dit, mais à une condition qui nous a souvent manqué, celle d’un pouvoir stable et fait pour commander.
Nous devons rester unis, en second lieu, économiquement, car, demain, il faudra opposer une union d’intérêts à la formidable organisation des Empires centraux. Les conférences interalliées ont déjà proclamé la solidarité de nos pays pour exiger la réparation des ruines, des dommages, des vols, des réquisitions abusives ; elles ont constaté que la guerre avait mis fin à tous les traités de commerce avec les puissances ennemies ; elles ont prévu que les Alliés, pendant toute la période de restauration, réserveraient pour eux-mêmes, et pour leurs alliés, leurs ressources naturelles, en vertu d’un droit de préférence qui n’est ici que la justice ; elles ont décidé qu’il y aurait au moins