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une période pendant laquelle les marchandises originaires des pays ennemis seraient assujetties à un régime spécial. De tels accords sont évidemment délicats à établir, mais ils sont nécessaires, et, prolongeant l’alliance, ils la monnayeront, et la mettront, comme un effet de commerce facile à vérifier, dans les mains du plus petit boutiquier de Londres ou de Paris.

Nous devons rester unis pour que la paix soit payante, et, si je pouvais m’adresser à vos hommes d’Etat, je leur dirais : « Montrez-vous nos amis, à cette heure future des conférences pour la paix, plus que nous ne le serions de nous-mêmes. Ne cédez ni pour vous, — j’ai confiance que vous ne le ferez pas, — ni pour nous, si nous étions tentés de le faire. La France, dans cette guerre, comme en bien d’autres rencontres, a reçu le premier choc de la barbarie ; elle a combattu pour le monde civilisé tout entier ; elle s’y est noblement fatiguée ; elle a donné des fils incomparables : faites aujourd’hui qu’un barrage soit établi, qui protège ce peuple généreux contre de nouvelles invasions. C’est un remerciement qui lui est dû. C’est une précaution qui profitera à tous. »

Nous devons rester unis parce que, Anglais et Français, nous continuerons d’être menacés par la même haine et le même ressentiment. Une guerre comme celle-là ne s’effacera point par un traité de paix. Vous et nous ensemble, nous avons respecté les règles antiques de l’honneur. Nous nous sommes efforcés de ne point ajouter aux cruautés de la guerre avant d’y être forcés par l’ennemi. Nous avons été d’un autre temps et comme d’un autre monde que notre ennemi. Vous pouvez être sûrs qu’il ne nous le pardonnera pas.

Nous devons rester unis parce que les morts de nos deux nations, tombés pour la même cause, reposeront dans notre terre de France. Quand les voyageurs passeront en automobile, plus tard, près des lignes, ils diront : « Ralentissez, ne faites pas de bruit, parce que les plus nobles fils de la France et de l’Angleterre reposent ici. » Et les cœurs se serreront d’une même émotion, en pensant aux deux pays, et il y aura des lignes de croix sur les poitrines et des prières pour nos enfants.

Nous devons rester unis pour un bien grand motif encore. Un préjugé stupide, entretenu, je le reconnais, par quelques écrivains, représentait les Français comme des hommes légers, de peu de religion, irrémédiablement divisés. Les événemens