Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 45.djvu/288

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les bonnes langues qui s’emmêlent de tout (sic), peut me perdre et devenir un sujet de refus. Je sais malheureusement par moi-même, que ce ne sont pas les envieux qui me manquent. Croyez-vous que votre ami M. d’Ortigue voudrait me prêter encore deux mille francs sur une lettre de change, payable à la même époque que l’autre, l’année suivante, c’est-à-dire au 1er août 1838 ?[1] ; pouvez-vous du moins lui en faire la proposition ? Je consentirais à des intérêts plus forts, pourvu qu’ils ne le fussent pas trop. Il serait très important pour moi qu’une pareille affaire s’arrangeât, car mon avenir peut en dépendre. Ne croyez pas que je m’effraye à tort, ou que je me hâte trop, je sais ce que je dis, et ce que je fais. Le plus tôt, en ce cas, serait le mieux. Vous concevez qu’à toute occasion il faut que je sois prêt, et que j’aurais un regret mortel si, faute de précaution, l’affaire manquait. Quand le hasard pense à vous, il ne faut point laisser prise au guignon. Répondez-moi un mot, je vous en prie. « A vous,

« ALFRED DE MUSSET[2]. »


« Il est bien entendu qu’aucun motif ne m’empêchera du reste à remplir mes engagemens envers vous. Je ne pense pas avoir besoin de vous rassurer sur ce point. »

Il me faut parler maintenant de cette place de bibliothécaire à l’Intérieur, que F. Buloz obtint pour son ami — « une sinécure » qui lui permit de travailler en paix… Travailler en paix ! Musset ! quelle folie ! Mais l’idée ne lui déplut pas, pourvu qu’on l’assurât qu’il n’abdiquerait nullement son indépendance.

Or, cette place de bibliothécaire fut offerte d’abord à F. BCloz qui sollicitait à ce moment-là… celle de commissaire royal à la Comédie-Française. Le baron Taylor ne voulant pas quitter ce poste, M. de Montalivet crut tout concilier en en offrant un autre à F. Buloz, et en laissant le baron Taylor aux Français[3]. Mais le Directeur de la Revue, saisissant l’occasion sans tarder, proposa Musset pour la place de bibliothécaire.

  1. Cette lettre est donc écrite en 1837.
  2. Inédite.
  3. « On a offert une espèce de sinécure à B. pour remplacer ce qu’on ne pouvait donner, mais tu connais B. » etc. écrit Mme Buloz à sa sœur, le 11 septembre 1838.