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« En entendant le nom de ce nouveau candidat, dit P. de Musset, le ministre fut tout interdit : il va sans dire que ce ministre n’avait jamais lu une ligne du poète. » Il savait seulement que Musset était l’auteur de la Ballade à la lune, et cela l’effrayait. « J’ai entendu parler d’un certain point sur un i, aurait-il dit à F. Buloz, qui me paraît un peu hasardé, et je craindrais de me compromettre… » Telle est la version de P. de Musset. Ce n’était pas, quoique cette version ait été publiée dans la Biographie, celle de F. Buloz : on lira plus loin leur polémique à ce sujet.

Mais la nomination tardant, Musset se découragea. Est-ce alors qu’il écrivit :

« Mon cher Buloz, qu’il ne soit plus question au Ministère de mes mendicités. Elles ne serviraient à rien, pas même à moi, ni à vous, je veux dire à la Revue… » et encore « N’importunez donc pas Mallac[1]pour une chose inutile. »

Le prince royal se mêla de cette affaire, et aussi M. Ed. Blanc, alors aux Beaux-Arts ; bref, au bout de quelques semaines, Alfred de Musset fut nommé.


Pendant les deux années que dura sa liaison avec Mimouche, notre poète assagi ( ? ) sera plus sédentaire, et travaillera davantage. Ses billets à F. Buloz annoncent successivement à cette époque : Le Fils du Titien, Margot, les vers sur la Naissance du Comte de Paris ; il écrit encore deux articles sur Rachel (l’un d’eux contient la réponse à J. Janin[2](réponse suivie d’une autre réponse de J. Janin ! ) et un article sur les débuts de Pauline Garcia, « Paolita, » comme il l’appelle dans ses lettres à la Marraine.

  1. Mallac, ami de F. Buloz, chef de cabinet du ministre et fort influent auprès de lui.
  2. «… J’avais abandonné à elles-mêmes les réclamations de tous ces hommes qui viennent faire de l’admiration toute faite, quand j’ai rencontré dans une Revue empesée, entre un mythe religieux et un mythe littéraire, une espèce de factum contre le critique, à propos de Mlle Rachel. » — Voilà ce qu’écrivait Janin. — A la suite de ce feuilleton, Musset répondit à Janin : « Littérairement vous êtes un enfant à qui il faudrait mettre un bourrelet, et personnellement vous êtes un drôle à qui il faudrait interdire l’entrée du Théâtre-Français, etc. » Mimouche s’inquiéta de cette lettre de Musset, mais il lui écrivit : « Ma lettre a été avalée. Cesse donc de t’inquiéter. »