Pour approuver la clôture, en un instant, la salle entière fut debout.
En proie à une violente émotion, M. Teutsch, s’élançant de nouveau à la tribune : « Par ce vote, commença-t-il, la discussion est close… » Il ne put achever : « Personne ici, déclarait le président, n’a la parole à présent. »
De sa voix puissante, M. Teutsch put cependant s’écrier : « Nous nous abandonnons à Dieu, nous nous abandonnons au jugement de l’Europe !
— « Alors, — ricana le vieux baron hessois Nordeck zur Rabenau, très lier de son triste jeu de mots, — alors vous voilà bien abandonnés ![1] »
Suivi de quelques-uns de ses collègues d’Alsace et de Lorraine, M. Teutsch quitta la salle ; les autres demeurèrent à leur place, tandis que le président, avant de mettre aux voix la motion des Alsaciens-Lorrains, en faisait donner lecture par un secrétaire. Répétons-la, encore ici :
« Plaise au Reichstag de décider que la population d’Alsace-Lorraine qui, sans avoir été consultée à ce sujet, fut annexée à l’Empire allemand par le traité de Francfort, soit appelée à se prononcer spécialement sur cette annexion. »
Le silence s’était rétabli, et ces mots retentissaient tristement aux oreilles des quelques députés d’Alsace et de Lorraine demeurés dans la salle.
« Je prie ceux, proclama le président, qui ont l’intention d’appuyer cette proposition, de vouloir bien se lever. »
A la grande hilarité de toute l’assistance, les députés alsaciens-lorrains présens demeurèrent assis. Seuls, comme isolés au milieu d’un désert, quelques hommes courageux se levèrent ; ils étaient exactement vingt-deux : douze députés polonais, représentans d’une pairie déchirée et martyrisée depuis un siècle par la Prusse ; sept socialistes ; un libéral, M. Sonnemann, directeur de la Frankfurter Zeitung, qui se donnait comme le représentant avoué et unique de l’idée républicaine au Reichstag[2] ; le Hanovrien Ewald et le Danois Kryger.
Le Centre tout entier, oubliant soudain les avances intéressées qu’il avait faites aux catholiques alsaciens-lorrains, se dressait sans hésitation contre eux.