Soudain, au sortir de ces couloirs tortueux et dénudés, c’est un enchantement. Une profonde galerie, inondée de lumière, allonge très loin devant nous un pavé de mosaïque, d’où trois jets d’eau s’élancent au milieu de vasques de marbre. Un instant, on hésite à traîner ses souliers sur ce parterre fleuri d’émail, où ne doivent glisser que les babouches et les pieds nus, et à ternir par des vêtemens sombres l’éclat de cette allée lumineuse qui n’admet que la laine blanche ou la soie de couleur vive tamisée de mousseline. D’un côté de la galerie, s’ouvrent les doubles vantaux des lourdes portes enluminées comme des pages de Coran, qui donnent accès dans les chambres ; de l’autre, s’étend un jardin d’orangers plantés en contrebas, et dont on n’aperçoit, du haut du promenoir, que les cimes vertes et pressées, ou les fruits déjà jaunissans transparaissent au milieu des feuilles. De ce verger, nous arrivent les vieux airs qu’on entendait à Grenade et à Cordoue, et que les musiciens aux tuniques jonquilles, roses, violettes, amarantes, jouent toujours sous ces orangers. Enfin, par-delà les verdures et le bouquet fleuri de l’étrange fanfare, se dresse l’éternel mur d’Islam, qui n’est jamais bien loin pour fermer le bonheur, et qui reflète sur sa rouge poussière l’ardeur du soleil couchant.
On ne peut rien voir de plus joli que les chambres qui se succèdent le long de cette galerie. Le sol est de mosaïque, et les murs, jusqu’à hauteur d’homme, sont aussi tapissés de ces morceaux de brique émaillée, assemblés avec un art infini en dessins merveilleux. Au-dessus, le mur blanc et nu (pour laisser l’œil se reposer de ces couleurs enchanteresses) conduit la vue jusqu’à un bandeau de plâtre prodigieusement fin, dans lequel des artisans ont creusé patiemment, avec un instrument primitif, la dentelle la plus compliquée, la plus variée, la plus légère. Et sur cette frise ajourée repose l’autre merveille de ces chambres charmantes, le beau plafond aussi minutieusement peint qu’une miniature persane, et dont les arabesques et les fleurs stylisées semblent refléter, tout là-haut, comme dans un miroir, mais avec des couleurs plus vives, l’éclat des tapis et des zelliges.
Tout ce luxe oriental saisit étrangement au sortir du long dédale des couloirs pauvres et nus. Tant de faste à côté d’une simplicité qui, çà et là, s’en va tout doucement de la nudité à l’abandon, et de l’abandon presque au sordide ! On retrouve dans ce palais, entre la richesse et la misère, ce même accord sans