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« desideratum. » Abondance de biens ne nuit pas, ni, à la guerre, abondance de moyens d’action. Les Italiens l’ont bien compris, qui ont mis en service dans leurs opérations contre le Carso, dont ils battaient de la mer la face Sud, des chalands armés d’une très grosse bouche à feu. Sans doute, en raison de la différence très sensible des conditions de temps et de mer entre le fond de l’Adriatique et le littoral belge, il faudrait modifier profondément le chaland un peu primitif (il n’a même pas de moteur) de nos alliés du Sud-Est, mais on conviendra qu’au milieu des bancs de Flandre, un affût flottant qui ne calerait qu’un mètre ou deux vaudrait mieux encore que les monitors dont le tirant d’eau ne doit pas être moindre de quatre mètres environ.

Et puis, encore une fois, il y a la question du type de la bouche à feu. Ce qui fait l’inefficacité relative de ces monitors et aussi des bâtimens de haut bord qui les accompagnent quelquefois, c’est que leurs canons, pièces puissantes, mais longues, donnent à leurs obus des trajectoires relativement tendues et où l’angle de chute atteint difficilement 50 ou 55°. Ce n’est pas assez contre des pièces de côte bien abritées : ni le matériel ni les servans ne sont assez directement battus. ! Ajoutons à cela la difficulté du réglage du tir si, justement, on n’a pas d’avions spéciaux pour cette opération et l’instabilité de plate-forme du bâtiment si, justement encore, on ne s’astreint pas à attendre un très beau temps et une mer plate pour entamer le bombardement.

Enfin, dans le cas particulier qui nous occupe, il semble[1]que le tir des monitors se soit produit quand il ne faisait pas encore jour : nouvelle source d’incertitude et, en définitive, insuffisance de la préparation d’artillerie. Or, il est évident que cette préparation est indispensable si l’on veut obtenir des résultats satisfaisans qui ne soient pas payés trop cher. Il en est d’une opération offensive de la guerre de côtes, exactement de même que d’une opération de même nature, à terre ; et l’on ne peut s’empêcher d’être surpris que cette analogie saisissante n’ait pas encore été bien comprise dans certains milieux.

  1. Les rapports anglais disent que l’opération a commencé à la pointe du jour. Les rapports allemands parlent au contraire de la nuit. Il faut se rappeler l’état du temps, brumeux et pluvieux, pour comprendre qu’il pouvait encore « faire nuit, » quoique l’on eût atteint l’heure normale du lever du jour.